Les Bestiaires, issus de la littérature gréco-romaine, furent transmis par l’intermédiaire du
Physiologus, un ouvrage de l’Antiquité tardive maintes fois recopié, enrichi et commenté tout au long du Moyen Âge. Ils illustrent la richesse et la diversité de la Création, mêlant des animaux bien réels, auxquels on prête symboliquement vertus et vices, à des créatures mythologiques et légendaires, nées de l’imagination des auteurs anciens ou véhiculées par la tradition.
Le griffon, félin ailé à tête d’oiseau, gardien des tombeaux dans l’Antiquité, apparaît dès le XI
e siècle à Saint-Eutrope de Saintes. Les dragons de toutes sortes, serpents ailés ou monstres hybrides cracheurs de flammes, sont souvent combattus par des chevaliers en armure. La créature la plus fréquemment représentée dans la région, où elle a pu se confondre parfois avec la légende locale de la fée Mélusine, est la sirène au corps de femme se terminant en queue de poisson, simple ou bifide. Elle tient parfois en main un miroir ou un poisson, qui accentuent son caractère négatif de séductrice lascive. Son image est exposée au regard des moines de Saint-Eutrope, dans le chœur liturgique, comme pour leur rappeler la crainte que doit leur inspirer le péché de chair. Mais la sirène antique, dotée d’un corps d’oiseau, n’est pas absente des sculptures romanes, même si elle peut se confondre avec la harpie, leurs têtes, parfois couronnées pouvant être masculines ou féminines.
A Aulnay, bien d’autres monstres, tels que le Cyclope, et des animaux plus ou moins imaginaires se côtoient en cortège sur la voussure du portail.
Mais la monstruosité que veulent dénoncer les clercs médiévaux est celle qui se tapit dans l’âme des fidèles. Les corps hybrides sont là pour dénoncer l’animalité vers laquelle tendent les personnes soumises au Péché. Ressembler à un animal est la pire des déviances pour l’Homme que Dieu avait créé à son image. L’âne jouant de la lyre, ou le bouc vêtu d’
habits sacerdotaux et parodiant la messe, en sont des images saisissantes. La représentation des démons, silhouettes humaines revêtues des attributs de l’animal – griffes, poils, dents acérées, oreilles pointues, cornes – fréquentes également, en sont une autre variante.