Les sculpteurs romans ont su développer des formes originales, en adaptant les motifs qu’ils exécutaient à toutes sortes de supports, et en tordant la réalité pour en extraire des reliefs expressifs.
Cette apparente multiplicité de formes est pourtant régie par un certain nombre de règles ou de cadres plus ou moins contraignants. Ainsi, on se rend compte que chaque figure est déterminée par la forme du cadre ou du support qui l’accueille :
modillon,
claveau d’arc, place laissée par les motifs voisins. Cela entraîne des contorsions ou des rapports d’échelles parfois bien éloignés du « réalisme » auquel nos yeux sont habitués.
La représentation des corps humains ou animaux, des vêtements, des objets, du monde végétal relève davantage de conventions et de nuances de sens que d’un objectif illusionniste. Le sculpteur avait à exprimer les hiérarchies spirituelles et ses images parfois disproportionnées traduisent une vision du monde terrestre qui n’est que le pâle reflet du monde céleste, ce qui lui permet de jouer avec la réalité.
Des schémas géométriques commandent beaucoup d’images et de motifs, qu’il s’agisse d’axes de symétrie, de compositions figurant hommes ou animaux dos-à-dos ou face à face. Les têtes des personnages occupent souvent les angles des corbeilles des chapiteaux quand elles ne sont pas réunies à deux corps.
La beauté des images est également due à la dimension ornementale que prend le traitement de chaque surface, des ailes des oiseaux aux écailles des reptiles, des chevelures des humains aux plis des vêtements ou aux enroulements des rinceaux. Forts de ce riche arsenal de possibilités, et débarrassés de la contrainte du réalisme, les artistes romans ont pu laisser libre court à leur inventivité, même si de nombreux modèles devaient circuler sur les chantiers, parfois inspirés des lettrines des enlumineurs, que chacun reproduisait ou adaptait selon son talent.

Église Saint-Pierre d'Aulnay - Voussure du portail sud - Personnages agenouillés - 2015