La végétation est un des sujets les plus présents dans la sculpture romane d’Aquitaine et cela est particulièrement vrai en Charente-Maritime. La flore romane est rarement naturaliste et il serait vain de chercher à identifier une espèce particulière.
Si parmi les premiers chapiteaux, certains dérivent lointainement des formules corinthiennes, avec de grandes feuilles lisses s’enroulant en volutes sur les angles, on retrouve parfois, dès la fin du XI
e siècle, de véritables imitations de chapiteaux corinthiens antiques, avec leurs
feuilles d’acanthes finement ciselées, comme c’est le cas à Thézac. Mais dans la majorité des cas, cette référence à l’Antique est marquée par le sens de la création et de l’invention des sculpteurs romans, qui stylisent et transforment ses feuillages à l’infini.
A Saint-Eutrope de Saintes, les sculpteurs de la crypte ont utilisé tout un répertoire végétal emprunté aux frises des temples romains, en les déformant pour les adapter au volume des chapiteaux, selon un schéma extrêmement rigoureux et symétrique. Mais à la croisée du transept, une nouvelle formule s’installe, dérivant des enchevêtrements végétaux qui se dessinent dans les lettrines des manuscrits enluminés.
Figures humaines et animales apparaissent dans un environnement de rinceaux aux tiges ondoyantes qui envahissent les fonds en multipliant les petites palmettes ou demi-palmettes plus ou moins épanouies. C’est là le principal motif végétal de la sculpture romane dans les pays charentais, qui s’impose partout comme une représentation du monde terrestre, qui parfois enchaîne et asservit l’Homme. C’est là le sens de certaines images où des personnages avalent des tiges de
rinceaux, un autre motif apparu à Saint-Eutrope, ou de ceux qui semblent essayer de s’en échapper en grimpant le long de volutes végétales de part et d’autre de la fenêtre du chevet d’Aulnay. La végétalisation des figures humaines est une des formes de représentation du Péché originel, qui lie l’Homme au monde terrestre et l’empêche de s’élever vers Dieu.