Extrait :
J’ai écouté Marcel et ça me faisait du bien. Quand il me parlait de lui, il parlait de moi aussi. Moi je n’ai pas eu la chance d’avoir une passion maîtresse. Une vocation comme Loïc. Une cause à défendre comme Lucas. Des enfants à faire grandir dans la promesse d’un avenir meilleur comme ma mère ou Fatouma. Je revoyais les filins auxquels mon père s’accrochait le soir…je n’avais même pas eu de rêves en modèles réduits…
Ce que j’avais moi, c’était quelque chose dans le corps qui me prenait tout entier. Un élan. Une rage. Ca m’avait fait courir. Ca m’avait fait me lancer à « corps perdu » comme on dit dans l’amour avec Karima. Ca m’avait fait prendre la parole, explosive, devant les camardes.
Ici, il se passait autre chose. Je me détendais et je me ramassais en même temps. La peur me tombait des épaules. Restait mon intérêt pour les autres, tous les autres, ceux d’ici et ceux de Lusine, là-bas, en France. Je pensais aussi à ceux d’ailleurs, dans le monde.
J’ai laissé l’air frais rentrer à nouveau dans ma poitrine. Oui, j’étais heureux d’avoir fait le voyage, d’être ici. Plus rien ne serait pareil désormais et c’était ce que je voulais. Ce que j’avais cherché.