La Charente-Maritime, l’art roman à ciel ouvert
La Charente-Maritime, l’art roman à ciel ouvert
Comme un musée à ciel ouvert, la Charente-Maritime compte près de 300 édifices romans ou conservant des vestiges romans. Laissez-vous guider dans cette exposition qui retrace l'histoire et les particularités de l'art roman, découvrez la richesse des témoignages architecturaux et sculpturaux des monuments de la Charente-Maritime.

La Charente-Maritime, l’art roman à ciel ouvert
Plan de l'expo
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Horizons romans
De l'Aquitania à la Charente-Maritime
Entre Loire et Pyrénées, l’Aquitania fut une des grandes provinces de l’empire romain, au cœur de laquelle le peuple gaulois des Santons donna son nom à la Saintonge.
A partir du IVe siècle, la cité de Saintes devint le chef-lieu d’un vaste diocèse qui s’étendait de la Sèvre Niortaise à la Gironde et du littoral atlantique à la région de Cognac et de Jarnac.
Aux XIe et XIIe siècles, la tutelle des comtes de Poitiers, qui avaient le titre de ducs d’Aquitaine, s’étendait sur tout ce territoire, partagé pendant quelques décennies avec les comtes d’Anjou. C’est à cette période, que l’ancienne Aquitaine, comme une grande partie de l’Europe, se couvrit d’églises que l’on devait qualifier par la suite de « romanes ».
Bien plus tard, au XVIIe siècle, la création du diocèse de La Rochelle priva celui de Saintes de sa partie nord, l’Aunis. Au sein du département de la Charente-Maritime, créé à la Révolution sous le nom de Charente-Inférieure, l’Aunis et la Saintonge sont à nouveau réunis. Le département est en effet constitué de la plus grande partie du diocèse médiéval de Saintes et d’une petite enclave de l’ancien diocèse de Poitiers, autour d’Aulnay.
Malgré les ravages des guerres franco-anglaises, des guerres de Religion et du siège de La Rochelle, un grand nombre de monuments édifiés à l’époque romane nous est parvenu. Le département compte aujourd’hui encore près de 300 édifices romans ou conservant des parties romanes.
A partir du IVe siècle, la cité de Saintes devint le chef-lieu d’un vaste diocèse qui s’étendait de la Sèvre Niortaise à la Gironde et du littoral atlantique à la région de Cognac et de Jarnac.
Aux XIe et XIIe siècles, la tutelle des comtes de Poitiers, qui avaient le titre de ducs d’Aquitaine, s’étendait sur tout ce territoire, partagé pendant quelques décennies avec les comtes d’Anjou. C’est à cette période, que l’ancienne Aquitaine, comme une grande partie de l’Europe, se couvrit d’églises que l’on devait qualifier par la suite de « romanes ».
Bien plus tard, au XVIIe siècle, la création du diocèse de La Rochelle priva celui de Saintes de sa partie nord, l’Aunis. Au sein du département de la Charente-Maritime, créé à la Révolution sous le nom de Charente-Inférieure, l’Aunis et la Saintonge sont à nouveau réunis. Le département est en effet constitué de la plus grande partie du diocèse médiéval de Saintes et d’une petite enclave de l’ancien diocèse de Poitiers, autour d’Aulnay.
Malgré les ravages des guerres franco-anglaises, des guerres de Religion et du siège de La Rochelle, un grand nombre de monuments édifiés à l’époque romane nous est parvenu. Le département compte aujourd’hui encore près de 300 édifices romans ou conservant des parties romanes.
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L’Aquitaine romane
Le monde aquitain des XIe et XIIe siècles est un monde en mutation. Le contexte politique est celui de la féodalité, avec un pouvoir fortement disséminé entre une multitude de châtelains, qui rendent hommage à un seigneur plus puissant, comte ou duc, relevant lui-même de l’autorité du roi de France qui n’est guère présent dans le territoire. D’abord politiquement partagé entre le puissant comté de Poitiers et ses satellites plus ou moins autonomes : l’Angoumois, le Périgord, le comté de la Marche en Limousin, et une Gascogne plus indépendante au sud, elle est unifiée à partir des années 1060 par les comtes de Poitiers, porteurs du titre de ducs d’Aquitaine, au sein d’un vaste duché s’étendant de la Loire aux Pyrénées.
La Saintonge, dont une partie avait été donnée en fief aux comtes d’Anjou, est à ce moment-là reprise en main directement par le pouvoir poitevin, pour revenir un siècle plus tard sous la tutelle de la dynastie angevine, par le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, qui devient lui-même roi d’Angleterre en 1152. Dès le XIe siècle s’amorce également une importante reprise économique et démographique.
Du point de vue religieux, les archevêques de Bordeaux ont autorité sur les diocèses de Poitiers, Saintes, Angoulême, Périgueux et Agen, constituant ainsi un autre facteur d’unité de ce vaste ensemble. Le réseau paroissial est alors en place, et complété par la création de nouveaux villages dans des zones de défrichement. Le diocèse de Saintes, dont la Charente-Maritime a repris une grande partie du territoire, connait dès les années 1075-1080 les premiers effets de la réforme grégorienne, qui contribue à une réorganisation du pouvoir spirituel, et à une affirmation nouvelle du rôle central du clergé dans la société. L’attrait du territoire littoral pour les grands monastères, parfois lointains, qui y implantent des prieurés est un autre aspect marquant de ce contexte favorable.
La Saintonge, dont une partie avait été donnée en fief aux comtes d’Anjou, est à ce moment-là reprise en main directement par le pouvoir poitevin, pour revenir un siècle plus tard sous la tutelle de la dynastie angevine, par le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, qui devient lui-même roi d’Angleterre en 1152. Dès le XIe siècle s’amorce également une importante reprise économique et démographique.
Du point de vue religieux, les archevêques de Bordeaux ont autorité sur les diocèses de Poitiers, Saintes, Angoulême, Périgueux et Agen, constituant ainsi un autre facteur d’unité de ce vaste ensemble. Le réseau paroissial est alors en place, et complété par la création de nouveaux villages dans des zones de défrichement. Le diocèse de Saintes, dont la Charente-Maritime a repris une grande partie du territoire, connait dès les années 1075-1080 les premiers effets de la réforme grégorienne, qui contribue à une réorganisation du pouvoir spirituel, et à une affirmation nouvelle du rôle central du clergé dans la société. L’attrait du territoire littoral pour les grands monastères, parfois lointains, qui y implantent des prieurés est un autre aspect marquant de ce contexte favorable.
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L'art roman : une définition stylistique ambigüe
Inventé en 1818 par un érudit normand, Charles de Gerville, le qualificatif « roman » fut introduit pour marquer la distinction observée entre les formes antérieures au XIIe siècle et celles qui caractérisent les derniers siècles du Moyen Âge, pour lesquels le terme « gothique », désignant d’abord tout l’art médiéval, fut finalement réservé.
Appliquant initialement le qualificatif à l’art monumental chrétien de toute la première moitié du Moyen Âge, Charles de Gerville y voyait une forme dégénérée de l’art romain, considérant que l’on retrouvait dans cette architecture « romane » des éléments fondamentaux de l’architecture antique romaine : l’arc en plein cintre, la voûte en berceau et la voûte d’arêtes. Il opposait ces formes à celles qu’il considérait comme des inventions de l’art gothique : l’arc brisé (qualifié d’ « ogival » à l’époque) et la voûte sur croisée d’ogives, créant une confusion encore largement diffusée dans les esprits aujourd’hui.
Cela introduisait d’emblée une hiérarchie entre l’art roman, considéré comme le dernier avatar de l’art des Romains, et le gothique, qui fut apprécié et admiré comme la véritable innovation médiévale. Plus tard, avec le développement de l’histoire de l’art et de l’archéologie et une meilleure datation des édifices, la période spécifique de l’art « roman » fut réduite à la principale phase de construction d’églises en Europe occidentale, entre la fin du Xe et la fin du XIIe siècle.
La définition, initialement un peu simpliste, du style « roman » fut également précisée par des observations plus larges et plus systématiques, montrant une grande complexité dans cette longue période de deux siècles durant lesquels furent également mises au point les premières formes dites « gothiques ».
Appliquant initialement le qualificatif à l’art monumental chrétien de toute la première moitié du Moyen Âge, Charles de Gerville y voyait une forme dégénérée de l’art romain, considérant que l’on retrouvait dans cette architecture « romane » des éléments fondamentaux de l’architecture antique romaine : l’arc en plein cintre, la voûte en berceau et la voûte d’arêtes. Il opposait ces formes à celles qu’il considérait comme des inventions de l’art gothique : l’arc brisé (qualifié d’ « ogival » à l’époque) et la voûte sur croisée d’ogives, créant une confusion encore largement diffusée dans les esprits aujourd’hui.
Cela introduisait d’emblée une hiérarchie entre l’art roman, considéré comme le dernier avatar de l’art des Romains, et le gothique, qui fut apprécié et admiré comme la véritable innovation médiévale. Plus tard, avec le développement de l’histoire de l’art et de l’archéologie et une meilleure datation des édifices, la période spécifique de l’art « roman » fut réduite à la principale phase de construction d’églises en Europe occidentale, entre la fin du Xe et la fin du XIIe siècle.
La définition, initialement un peu simpliste, du style « roman » fut également précisée par des observations plus larges et plus systématiques, montrant une grande complexité dans cette longue période de deux siècles durant lesquels furent également mises au point les premières formes dites « gothiques ».
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Définitions
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Comment définir l'art roman aujourd’hui ?
La période romane est d’abord extrêmement riche en construction d’églises, à l’apogée d’une société théocratique bénéficiant d’une croissance économique et démographique sans précédent en Occident.
Une première phase de renouveau, brillante mais fragile, l’a précédée, lors de la «Renaissance carolingienne» entreprise par Charlemagne et ses successeurs autour de l’an 800. C’est à la sortie des crises et de l’instabilité qui marquent la fin de l’empire carolingien, dont on retient en particulier les incursions destructrices des Vikings, que cet élan s’amorce en Europe à la faveur de la stabilisation de nouvelles formes de pouvoirs.
D’abord élaborées de façon diffuse, dès la seconde moitié du Xe siècle, à travers des foyers dispersés, les nouvelles formes de l’architecture se constituent progressivement à partir d’une grande diversité d’expériences et de recherches. Parmi les points communs à la majorité des églises construites alors, plusieurs tendances, toujours progressives et jamais systématiques, convergent pour définir le « style roman » : la volonté de couvrir de voûtes en pierre tous les espaces des églises, une structure murale très articulée et renforcée, multipliant les supports verticaux et les jeux d’arcades et mettant en valeur le rythme des travées, un recours grandissant à la pierre de taille, une place croissante accordée à un décor sculpté non seulement ornemental mais également porteur d’images.
Une incessante volonté d’innovation, mais aussi d’imitation, explique la grande diversité de formes que recouvre la notion d’ « art roman ». C’est d’ailleurs sur les chantiers « romans » que furent mises au point certaines techniques qui permirent l’éveil d’un art nouveau, l’art « gothique », au cours du XIIe siècle. L’arc brisé et la voûte d’ogives font partie du vocabulaire de l’art roman du XIIe siècle – en particulier en Charente-Maritime – et ne sont pas propres à l’architecture gothique.
Une première phase de renouveau, brillante mais fragile, l’a précédée, lors de la «Renaissance carolingienne» entreprise par Charlemagne et ses successeurs autour de l’an 800. C’est à la sortie des crises et de l’instabilité qui marquent la fin de l’empire carolingien, dont on retient en particulier les incursions destructrices des Vikings, que cet élan s’amorce en Europe à la faveur de la stabilisation de nouvelles formes de pouvoirs.
D’abord élaborées de façon diffuse, dès la seconde moitié du Xe siècle, à travers des foyers dispersés, les nouvelles formes de l’architecture se constituent progressivement à partir d’une grande diversité d’expériences et de recherches. Parmi les points communs à la majorité des églises construites alors, plusieurs tendances, toujours progressives et jamais systématiques, convergent pour définir le « style roman » : la volonté de couvrir de voûtes en pierre tous les espaces des églises, une structure murale très articulée et renforcée, multipliant les supports verticaux et les jeux d’arcades et mettant en valeur le rythme des travées, un recours grandissant à la pierre de taille, une place croissante accordée à un décor sculpté non seulement ornemental mais également porteur d’images.
Une incessante volonté d’innovation, mais aussi d’imitation, explique la grande diversité de formes que recouvre la notion d’ « art roman ». C’est d’ailleurs sur les chantiers « romans » que furent mises au point certaines techniques qui permirent l’éveil d’un art nouveau, l’art « gothique », au cours du XIIe siècle. L’arc brisé et la voûte d’ogives font partie du vocabulaire de l’art roman du XIIe siècle – en particulier en Charente-Maritime – et ne sont pas propres à l’architecture gothique.
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Définitions
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Le déploiement artistique du style roman
L’art roman hérite des premières expériences de l’art chrétien de l’Antiquité tardive, mais aussi des apports des peuples dits « barbares » qui ont occupé l’Europe à partir du IVe siècle, ainsi que des influences du monde oriental, byzantin ou musulman. C’est surtout l’admiration pour les formes associées, à tort ou à raison, à l’Antiquité romaine, qui motive les artistes et les commanditaires. C’est donc un art original, mais nourri d’héritages divers et de métissages.
Si la définition stylistique a été forgée au XIXe siècle en observant l’architecture religieuse, encore extrêmement présente dans toute l’Europe, il faut admettre que c’est un art complet qui s’est développé au début du second millénaire, touchant aussi bien l’architecture que son décor, à travers la peinture murale ou la mosaïque, déjà présentes au temps des carolingiens, et la sculpture sur pierre.
L’enluminure des manuscrits connaît un regain de virtuosité et une production massive au sein des scriptoria de certains monastères. La production de mobilier et d’objets précieux destinés au culte, à la conservation des reliques ou au décor des églises ouvre un large champ de production faisant appel à la métallurgie, à l’orfèvrerie, au travail du bois, de l’ivoire, des pierres précieuses, de la broderie ou de la tapisserie.
On ne doit pas oublier non plus que l’architecture romane ne s’applique pas uniquement aux églises, mais aussi aux bâtiments des monastères, à l’architecture civile et militaire, aux ponts et ouvrages d’art.
Si la Charente-Maritime ne conserve que très peu d’œuvres autres que des églises, on peut toutefois signaler les tours rectangulaires des châteaux de Broue, de Pons ou de l’Isleau, ou encore les vestiges de bâtiments monastiques à Trizay, Sablonceaux, Oulmes (Nuaillé-sur-Boutonne), Saint-Gemme, Fontdouce ou encore à l’Hôpital-Neuf de Pons, ainsi que la remarquable « lanterne des morts » de Fenioux.
Si la définition stylistique a été forgée au XIXe siècle en observant l’architecture religieuse, encore extrêmement présente dans toute l’Europe, il faut admettre que c’est un art complet qui s’est développé au début du second millénaire, touchant aussi bien l’architecture que son décor, à travers la peinture murale ou la mosaïque, déjà présentes au temps des carolingiens, et la sculpture sur pierre.
L’enluminure des manuscrits connaît un regain de virtuosité et une production massive au sein des scriptoria de certains monastères. La production de mobilier et d’objets précieux destinés au culte, à la conservation des reliques ou au décor des églises ouvre un large champ de production faisant appel à la métallurgie, à l’orfèvrerie, au travail du bois, de l’ivoire, des pierres précieuses, de la broderie ou de la tapisserie.
On ne doit pas oublier non plus que l’architecture romane ne s’applique pas uniquement aux églises, mais aussi aux bâtiments des monastères, à l’architecture civile et militaire, aux ponts et ouvrages d’art.
Si la Charente-Maritime ne conserve que très peu d’œuvres autres que des églises, on peut toutefois signaler les tours rectangulaires des châteaux de Broue, de Pons ou de l’Isleau, ou encore les vestiges de bâtiments monastiques à Trizay, Sablonceaux, Oulmes (Nuaillé-sur-Boutonne), Saint-Gemme, Fontdouce ou encore à l’Hôpital-Neuf de Pons, ainsi que la remarquable « lanterne des morts » de Fenioux.
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Un art en mouvement
Le terme d’«art roman» est inventé au XIXe siècle pour désigner les constructions religieuses d’une période qui s’étend des environs de l’an mil jusqu’à une phase plus ou moins avancée du XIIe siècle, selon les régions. Le terme « roman » devait évoquer pour ses inventeurs le lien privilégié avec la tradition de l’architecture romaine, à laquelle l’architecture gothique allait ensuite tourner le dos.
Cette production massive, sans précédent, prend place au sein de la société féodale et correspond à la période d’émergence des états monarchiques en France ou en Angleterre. C’est une époque de forte croissance, marquée par l’emprise de la foi et de l’Église en Europe. La mise en place du réseau des paroisses, à l’origine des communes actuelles, la multiplication des monastères, le renouvellement des églises urbaines, le culte des reliques, l’essor des pèlerinages furent autant de facteurs favorables à l’éclosion d’un art monumental de plus en plus ambitieux. Ce mouvement fut également favorable à l’expression de toutes les formes artistiques, de la peinture murale à l’enluminure des manuscrits et de la sculpture aux arts précieux.
Toutefois, l’art roman n’est pas aussi homogène qu’on pourrait le croire. Avec une succession de créations sur plus d’un siècle et demi, ses formes ont évolué, en Charente-Maritime comme ailleurs. Les premières expériences du XIe siècle sont souvent encore marquées par la simplicité des traditions antérieures. Vers 1100, le chantier de Saint-Eutrope de Saintes introduit des formes romanes novatrices.
La première moitié du XIIe siècle constitue une phase d’apogée, illustrée par l’église d’Aulnay, avant que n’apparaissent les premières formes gothiques. Il n’y a donc pas un « art roman » mais une multitude d’expériences menées dans un esprit commun.
Cette production massive, sans précédent, prend place au sein de la société féodale et correspond à la période d’émergence des états monarchiques en France ou en Angleterre. C’est une époque de forte croissance, marquée par l’emprise de la foi et de l’Église en Europe. La mise en place du réseau des paroisses, à l’origine des communes actuelles, la multiplication des monastères, le renouvellement des églises urbaines, le culte des reliques, l’essor des pèlerinages furent autant de facteurs favorables à l’éclosion d’un art monumental de plus en plus ambitieux. Ce mouvement fut également favorable à l’expression de toutes les formes artistiques, de la peinture murale à l’enluminure des manuscrits et de la sculpture aux arts précieux.
Toutefois, l’art roman n’est pas aussi homogène qu’on pourrait le croire. Avec une succession de créations sur plus d’un siècle et demi, ses formes ont évolué, en Charente-Maritime comme ailleurs. Les premières expériences du XIe siècle sont souvent encore marquées par la simplicité des traditions antérieures. Vers 1100, le chantier de Saint-Eutrope de Saintes introduit des formes romanes novatrices.
La première moitié du XIIe siècle constitue une phase d’apogée, illustrée par l’église d’Aulnay, avant que n’apparaissent les premières formes gothiques. Il n’y a donc pas un « art roman » mais une multitude d’expériences menées dans un esprit commun.
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L'aube de l'art roman
Les traces d’architectures antérieures à l’époque romane sont rares en Charente-Maritime. L’église de Thaims, qui est bâtie sur l’emplacement d’une ancienne villa gallo-romaine, conserve sur son chevet deux pans de murs appartenant à un édifice préroman. Mais cette rareté ne signifie pas que le territoire était dépourvu d’églises du haut Moyen Âge. Simplement, les reconstructions romanes ou gothiques n’en n’ont laissé subsister que peu de traces.
Durant les siècles précédents, les maçonneries étaient assez systématiquement constituées de moellons, des petits blocs de pierre aux contours irréguliers, pris dans le mortier, en l’absence de pierre de taille. Les voûtes étaient également absentes de cette tradition, à l’exception de celles qui couvraient certaines absides.
En Charente-Maritime, on retrouve dans les édifices du XIe siècle des formes héritées de ce passé : des plans très simples, avec une nef unique et une abside, des murs en moellons quelquefois récupérés sur des édifices gallo-romains, parfois dépourvus de contreforts et percés de fenêtres avec des arcs à claveaux étroits, ou, plus fréquemment, de petites ouvertures dotées de linteaux monolithes échancrés en forme d’arc et parfois ornés sur leur surface de faux claveaux gravés.
Des nefs couvertes d’un plafond en bois ou de la simple charpente du toit témoignent de ces premières formes romanes, à Sainte-Radegonde, à Monthérault, à Taillant, à Consac ou encore à Saint-Martial-de-Mirambeau. A Dompierre-sur-Charente, malgré de nombreux remaniements, l’église primitive du XIe siècle est encore complète, avec son abside.
Durant les siècles précédents, les maçonneries étaient assez systématiquement constituées de moellons, des petits blocs de pierre aux contours irréguliers, pris dans le mortier, en l’absence de pierre de taille. Les voûtes étaient également absentes de cette tradition, à l’exception de celles qui couvraient certaines absides.
En Charente-Maritime, on retrouve dans les édifices du XIe siècle des formes héritées de ce passé : des plans très simples, avec une nef unique et une abside, des murs en moellons quelquefois récupérés sur des édifices gallo-romains, parfois dépourvus de contreforts et percés de fenêtres avec des arcs à claveaux étroits, ou, plus fréquemment, de petites ouvertures dotées de linteaux monolithes échancrés en forme d’arc et parfois ornés sur leur surface de faux claveaux gravés.
Des nefs couvertes d’un plafond en bois ou de la simple charpente du toit témoignent de ces premières formes romanes, à Sainte-Radegonde, à Monthérault, à Taillant, à Consac ou encore à Saint-Martial-de-Mirambeau. A Dompierre-sur-Charente, malgré de nombreux remaniements, l’église primitive du XIe siècle est encore complète, avec son abside.
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Définitions
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Des expériences originales
Dès le milieu du XIe siècle, la dynamique d’innovation se manifeste, souvent de façon modeste. Les premières expériences architecturales innovantes sont encore associées à des éléments de la tradition, comme les nefs uniques charpentées, qui se maintiennent assez tardivement. La nouveauté touche surtout les parties les plus sensibles des églises, là où se concentre la plus forte charge symbolique : le chevet et les parties orientales, d’abord, le portail et la façade occidentale ensuite.
Il semble que la réforme grégorienne, qui est introduite à partir des années 1070, soit le principal facteur d’innovation, le clergé cherchant à accentuer la distinction des édifices de culte dans le paysage, à mieux en souligner les divisions internes et à en renforcer les qualités architecturales et symboliques. Certains édifices témoignent déjà au XIe siècle d’une grande originalité et d’expériences novatrices parfois isolées.
Dès 1047, la première église de l’Abbaye aux Dames de Saintes, influencée par le Poitou et l’Anjou, présentait déjà à la croisée du transept des piliers articulés, c’est-à-dire renforcés par des colonnes engagées dans leur maçonnerie et dotées de chapiteaux sculptés. L’introduction de voûtes en cul-de-four sur les absides, mais aussi de petites coupoles sur trompes sur les croisées du transept ou sur la travée précédant le chevet constitue une autre étape importante, que l’on peut observer, par exemple à Thaims.
A Bougneau, apparaît une tour abritant des cloches, qui est sans doute une des plus anciennes avec celle de Saint-Denis-du-Pin. L’abside de l'église de Bougneau, inscrite dans un chevet de plan rectangulaire, est ornée à l’intérieur d’un remarquable étagement de deux arcatures, dont l’inspiration antique est très nette. Ce principe de double arcature, avec un décor sculpté de même type, se retrouve à Saint-Thomas de Conac.
Les belles dalles sculptées d’entrelacs ornant les fenêtres primitives de l’église de Fenioux appartiennent aussi à cette phase intermédiaire de création.
Il semble que la réforme grégorienne, qui est introduite à partir des années 1070, soit le principal facteur d’innovation, le clergé cherchant à accentuer la distinction des édifices de culte dans le paysage, à mieux en souligner les divisions internes et à en renforcer les qualités architecturales et symboliques. Certains édifices témoignent déjà au XIe siècle d’une grande originalité et d’expériences novatrices parfois isolées.
Dès 1047, la première église de l’Abbaye aux Dames de Saintes, influencée par le Poitou et l’Anjou, présentait déjà à la croisée du transept des piliers articulés, c’est-à-dire renforcés par des colonnes engagées dans leur maçonnerie et dotées de chapiteaux sculptés. L’introduction de voûtes en cul-de-four sur les absides, mais aussi de petites coupoles sur trompes sur les croisées du transept ou sur la travée précédant le chevet constitue une autre étape importante, que l’on peut observer, par exemple à Thaims.
A Bougneau, apparaît une tour abritant des cloches, qui est sans doute une des plus anciennes avec celle de Saint-Denis-du-Pin. L’abside de l'église de Bougneau, inscrite dans un chevet de plan rectangulaire, est ornée à l’intérieur d’un remarquable étagement de deux arcatures, dont l’inspiration antique est très nette. Ce principe de double arcature, avec un décor sculpté de même type, se retrouve à Saint-Thomas de Conac.
Les belles dalles sculptées d’entrelacs ornant les fenêtres primitives de l’église de Fenioux appartiennent aussi à cette phase intermédiaire de création.
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Définitions
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Le temps des mutations
La véritable éclosion des formes romanes s’effectue à l’approche de 1100 en Saintonge. En 1081, le duc d’Aquitaine donne à l’abbaye de Cluny le sanctuaire abritant le tombeau d’Eutrope, considéré comme le premier évêque et martyr de la Saintonge. Aussitôt s’ouvre un des chantiers de construction les plus ambitieux de toute la région, la nouvelle église Saint-Eutrope de Saintes étant prévue pour accueillir les pèlerins autour du reliquaire placé dans une vaste crypte à déambulatoire, dotée de trois chapelles rayonnantes.
Au-dessus, le chœur, espace liturgique réservé à la communauté d’une vingtaine de moines bénédictins du prieuré, adopte le même plan, venu du centre de la France par le Poitou, et alors inconnu en Saintonge.
Une nef divisée en trois vaisseaux est séparée de ce chevet par un transept, à la croisée duquel s’élève probablement une tour. La façade occidentale, terminée sans doute au cours du XIIe siècle, ne nous est pas parvenue, démolie comme la nef en 1803.
Ce monument hors du commun, dont les parties orientales sont consacrées dès 1096 par le pape Urbain II, est aussi le principal lieu d’épanouissement d’une sculpture romane parfaitement maîtrisée, qui se diffuse à partir de son chantier. Celui-ci est contemporain de quelques-unes des œuvres majeures de l’art roman européen, telles que l’abbatiale de Cluny III, la collégiale Saint-Sernin de Toulouse ou la cathédrale de Compostelle.
A côté de cette entreprise, d’autres monuments participent à l’éveil de l’art roman du XIIe siècle. C’est le cas de l’abbatiale Notre-Dame de l’Abbaye aux Dames, dont on entreprend les premières transformations avec le projet de construction d’un clocher.
A Trizay, une énigmatique église de plan octogonal ouvre la voie à une monumentalité plus sobre, qui se distingue de celle de Saint-Eutrope par l’absence de modénature sur les parois extérieures en belle pierre de taille.
Au-dessus, le chœur, espace liturgique réservé à la communauté d’une vingtaine de moines bénédictins du prieuré, adopte le même plan, venu du centre de la France par le Poitou, et alors inconnu en Saintonge.
Une nef divisée en trois vaisseaux est séparée de ce chevet par un transept, à la croisée duquel s’élève probablement une tour. La façade occidentale, terminée sans doute au cours du XIIe siècle, ne nous est pas parvenue, démolie comme la nef en 1803.
Ce monument hors du commun, dont les parties orientales sont consacrées dès 1096 par le pape Urbain II, est aussi le principal lieu d’épanouissement d’une sculpture romane parfaitement maîtrisée, qui se diffuse à partir de son chantier. Celui-ci est contemporain de quelques-unes des œuvres majeures de l’art roman européen, telles que l’abbatiale de Cluny III, la collégiale Saint-Sernin de Toulouse ou la cathédrale de Compostelle.
A côté de cette entreprise, d’autres monuments participent à l’éveil de l’art roman du XIIe siècle. C’est le cas de l’abbatiale Notre-Dame de l’Abbaye aux Dames, dont on entreprend les premières transformations avec le projet de construction d’un clocher.
A Trizay, une énigmatique église de plan octogonal ouvre la voie à une monumentalité plus sobre, qui se distingue de celle de Saint-Eutrope par l’absence de modénature sur les parois extérieures en belle pierre de taille.
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L'apogée de l'art roman
C’est aux environs de 1100 que l’art roman atteint sa maturité en Aunis et en Saintonge, sous l’influence, notamment, du Poitou voisin, plus précoce.
L’église du prieuré Saint-Eutrope de Saintes, dont la construction a commencé en 1081, est un monument qui a contribué, par son ambition et son rayonnement, au renouvellement des formes de l’architecture et de la sculpture. Il a surpassé les tâtonnements, parfois originaux, des premières expériences du XIe siècle en se libérant du poids des traditions héritées du haut Moyen Âge.
La première moitié du XIIe siècle est la période la plus dynamique, celle où sont construites ou réaménagées, parfois en conservant des parties plus anciennes, la grande majorité des églises de la région. La pierre calcaire locale, facile à travailler, favorise la profusion d’une sculpture qui devient omniprésente et qui constitue un des atouts majeurs de cet art roman à son apogée.
De grandes églises telles que l’abbatiale Notre-Dame de Saintes ou de simples églises paroissiales se parent d’une multitude d’images et de motifs ornementaux en relief, tandis que les murs, jusque-là encore souvent construits en moellons, sont systématiquement dotés de parements en pierre de taille, rehaussés d’arcades et structurés par des contreforts ou des colonnes engagées. L’ensemble de ces éléments peut être orné de motifs plus ou moins envahissants.
L’église du prieuré Saint-Eutrope de Saintes, dont la construction a commencé en 1081, est un monument qui a contribué, par son ambition et son rayonnement, au renouvellement des formes de l’architecture et de la sculpture. Il a surpassé les tâtonnements, parfois originaux, des premières expériences du XIe siècle en se libérant du poids des traditions héritées du haut Moyen Âge.
La première moitié du XIIe siècle est la période la plus dynamique, celle où sont construites ou réaménagées, parfois en conservant des parties plus anciennes, la grande majorité des églises de la région. La pierre calcaire locale, facile à travailler, favorise la profusion d’une sculpture qui devient omniprésente et qui constitue un des atouts majeurs de cet art roman à son apogée.
De grandes églises telles que l’abbatiale Notre-Dame de Saintes ou de simples églises paroissiales se parent d’une multitude d’images et de motifs ornementaux en relief, tandis que les murs, jusque-là encore souvent construits en moellons, sont systématiquement dotés de parements en pierre de taille, rehaussés d’arcades et structurés par des contreforts ou des colonnes engagées. L’ensemble de ces éléments peut être orné de motifs plus ou moins envahissants.
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Le rayonnement en Saintonge au XIIe siècle
Les artistes qui travaillent sur les grands chantiers ouverts peu avant 1100, essaiment à travers le diocèse et en diffusent très rapidement les principaux éléments stylistiques, sans doute relayés aussi par une organisation de plus en plus centralisée de l’Église elle-même.
C’est Saint-Eutrope de Saintes qui joue le rôle majeur dans cette éclosion. Son architecture, hors du commun, n’est jamais reproduite intégralement. Aucune autre église ne semble avoir reçu de chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes. On en retient, jusque dans les églises paroissiales les plus modestes, certains aspects qui semblent particulièrement plaire aux commanditaires.
Si les plans restent très simples, l’emploi systématique de la pierre de taille pour le parement des murs, l’introduction de nombreuses colonnes engagées, d’arcades plaquées et de jeux d’arcatures animant les élévations des chevets et des façades constituent les traits majeurs de cette diffusion avec, bien entendu, le foisonnement de la sculpture. Le plan de certains chevets reprend la forme très allongée, à pans coupés, de celui de Saint-Eutrope, mais dans la composition des élévations extérieures, on privilégie la formule caractéristique des chapelles rayonnantes de l’église saintaise.
De Mornac-sur-Seudre et Vaux-sur-Mer à Talmont, de Geay à Ecoyeux, Rétaud ou Rioux, ces chevets dont la partie supérieure est ornée d’une arcature aveugle sont une véritable « signature » de l’art roman Saintongeais qui s’est également diffusée en Bordelais. Le voûtement systématique des édifices, quelle que soit leur complexité, s’impose également au cours de ces deux générations. A la suite de Saint-Eutrope, et peut-être plus modestement de Trizay, c’est le chantier de transformation de l’église de l’Abbaye aux Dames qui prend le relais dans la diffusion d’un art roman plus spécifique à la Saintonge.
C’est Saint-Eutrope de Saintes qui joue le rôle majeur dans cette éclosion. Son architecture, hors du commun, n’est jamais reproduite intégralement. Aucune autre église ne semble avoir reçu de chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes. On en retient, jusque dans les églises paroissiales les plus modestes, certains aspects qui semblent particulièrement plaire aux commanditaires.
Si les plans restent très simples, l’emploi systématique de la pierre de taille pour le parement des murs, l’introduction de nombreuses colonnes engagées, d’arcades plaquées et de jeux d’arcatures animant les élévations des chevets et des façades constituent les traits majeurs de cette diffusion avec, bien entendu, le foisonnement de la sculpture. Le plan de certains chevets reprend la forme très allongée, à pans coupés, de celui de Saint-Eutrope, mais dans la composition des élévations extérieures, on privilégie la formule caractéristique des chapelles rayonnantes de l’église saintaise.
De Mornac-sur-Seudre et Vaux-sur-Mer à Talmont, de Geay à Ecoyeux, Rétaud ou Rioux, ces chevets dont la partie supérieure est ornée d’une arcature aveugle sont une véritable « signature » de l’art roman Saintongeais qui s’est également diffusée en Bordelais. Le voûtement systématique des édifices, quelle que soit leur complexité, s’impose également au cours de ces deux générations. A la suite de Saint-Eutrope, et peut-être plus modestement de Trizay, c’est le chantier de transformation de l’église de l’Abbaye aux Dames qui prend le relais dans la diffusion d’un art roman plus spécifique à la Saintonge.
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Les monuments de l'apogée
L’art roman atteint sa plénitude au cours de la première moitié du XIIe siècle. Même si très peu d’édifices bénéficient de sources permettant de les dater avec précision, il est possible d’affirmer que la grande majorité des monuments conservés est au moins en partie issue de cette phase très riche, entre 1100 et 1150 environ. Celle-ci reflète une évidente prospérité économique.
La volonté de bâtir et d’embellir les églises correspond autant à l’accomplissement des réformes internes du clergé, affirmant sa vocation à encadrer la société, qu’au soutien du mécénat des seigneurs et aux dons des fidèles soucieux de gagner leur salut. Un autre facteur favorable est la richesse des puissants monastères et de leurs réseaux de prieurés déployés sur le territoire, dont ils assurent la valorisation à travers l’exploitation des vignes, du fleuve et des marais salants de la côte, immenses sources de revenus.
C’est aussi le temps de l’épanouissement des pèlerinages. Celui de Saint-Jacques-de-Compostelle est un des plus prestigieux et le chemin le plus occidental qui mène vers la Galice, la voie de Tours, traverse le département, qui compte deux importants lieux de culte dédiés à des reliques : l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély et le prieuré Saint-Eutrope de Saintes. Quatre monuments sont classés aujourd’hui au titre du Bien 868 du Patrimoine mondial de l’UNESCO « Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France » : Saint-Pierre d’Aulnay, l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, l’église Saint-Eutrope de Saintes et l’Hôpital-Neuf dit « des pèlerins » de Pons.
Quelques-unes des églises les plus remarquables du département, parfois conservées en partie seulement, sont les témoins de cette apogée, par leur architecture et par leur décor sculpté. Saint-Pierre d’Aulnay, construite entre 1120 et le milieu du siècle, peut être considérée, bien qu’appartenant à l’ancien diocèse de Poitiers, comme l’œuvre la plus accomplie et la synthèse la plus aboutie de cet art roman arrivé à la maturité. Les églises de Marignac, d’Avy-en Pons, de Corme-Ecluse, d’Arces-sur-Gironde, de Geay, ou celles un peu postérieures de Chadenac, de Corme-Royal, de Pont-l’Abbé-d’Arnoult, d’Echillais, de Matha, de Varaize ou de Surgères sont quelques-uns des exemples les plus significatifs de ces générations de la maturité.
La volonté de bâtir et d’embellir les églises correspond autant à l’accomplissement des réformes internes du clergé, affirmant sa vocation à encadrer la société, qu’au soutien du mécénat des seigneurs et aux dons des fidèles soucieux de gagner leur salut. Un autre facteur favorable est la richesse des puissants monastères et de leurs réseaux de prieurés déployés sur le territoire, dont ils assurent la valorisation à travers l’exploitation des vignes, du fleuve et des marais salants de la côte, immenses sources de revenus.
C’est aussi le temps de l’épanouissement des pèlerinages. Celui de Saint-Jacques-de-Compostelle est un des plus prestigieux et le chemin le plus occidental qui mène vers la Galice, la voie de Tours, traverse le département, qui compte deux importants lieux de culte dédiés à des reliques : l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély et le prieuré Saint-Eutrope de Saintes. Quatre monuments sont classés aujourd’hui au titre du Bien 868 du Patrimoine mondial de l’UNESCO « Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France » : Saint-Pierre d’Aulnay, l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, l’église Saint-Eutrope de Saintes et l’Hôpital-Neuf dit « des pèlerins » de Pons.
Quelques-unes des églises les plus remarquables du département, parfois conservées en partie seulement, sont les témoins de cette apogée, par leur architecture et par leur décor sculpté. Saint-Pierre d’Aulnay, construite entre 1120 et le milieu du siècle, peut être considérée, bien qu’appartenant à l’ancien diocèse de Poitiers, comme l’œuvre la plus accomplie et la synthèse la plus aboutie de cet art roman arrivé à la maturité. Les églises de Marignac, d’Avy-en Pons, de Corme-Ecluse, d’Arces-sur-Gironde, de Geay, ou celles un peu postérieures de Chadenac, de Corme-Royal, de Pont-l’Abbé-d’Arnoult, d’Echillais, de Matha, de Varaize ou de Surgères sont quelques-uns des exemples les plus significatifs de ces générations de la maturité.
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Définition
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Du roman au gothique
La dernière phase de l’art roman se caractérise en Charente-Maritime, comme dans toute l’Aquitaine médiévale, par l’introduction lente des éléments stylistiques du gothique venus d’Anjou d’abord, puis d’Île-de-France, deux régions où ils sont élaborés dès le milieu du siècle.
Cela se traduit par l’apparition des voûtes d’ogives, utilisées d’abord dans un contexte encore roman, par exemple à Ars-en-Ré ou à Sainte-Gemme. Certaines coupoles romanes, sur des croisées de transepts reçoivent d’ailleurs de façon assez précoce des arcs de renforcement annonçant les croisées d’ogives. D’une façon générale, toutefois, le gothique tarde à s’imposer et la Saintonge reste très attachée à la tradition romane jusqu’à la fin du XIIe siècle, sous le règne de la duchesse Aliénor d'Aquitaine.
Au sein de la production romane elle-même on observe deux tendances presque contradictoires qui marquent le milieu et la seconde moitié du XIIe siècle.
D’une part, certains édifices semblent traduire un certain rejet du décor et une volonté de dépouillement, qui peut correspondre aux aspirations de la partie la plus rigoriste du clergé, influencée peut-être par les idées cisterciennes. A l’abbaye de Sablonceaux ou à la cathédrale Saint-Pierre de Saintes et dans la nef de l’église de l’Abbaye aux Dames, cette architecture rigoureuse crée des volumes imposants couverts de vastes coupoles sur pendentifs, un procédé venu du Périgord et d’Angoulême. Le décor est absent ou réduit à des motifs répétitifs. La petite église des Nouillers témoigne encore aujourd’hui de cette formule.
A l’inverse, sur certaines églises, dont celles de Rétaud et Rioux, l’exubérance ornementale atteint son paroxysme. Dans d’autres enfin, l’élancement des lignes verticales, la systématisation des arcs brisés sur les façades ou le recours aux arcs polylobés et certains décors géométriques ou végétaux un peu secs marquent une autre forme de l’art roman du crépuscule.
Cela se traduit par l’apparition des voûtes d’ogives, utilisées d’abord dans un contexte encore roman, par exemple à Ars-en-Ré ou à Sainte-Gemme. Certaines coupoles romanes, sur des croisées de transepts reçoivent d’ailleurs de façon assez précoce des arcs de renforcement annonçant les croisées d’ogives. D’une façon générale, toutefois, le gothique tarde à s’imposer et la Saintonge reste très attachée à la tradition romane jusqu’à la fin du XIIe siècle, sous le règne de la duchesse Aliénor d'Aquitaine.
Au sein de la production romane elle-même on observe deux tendances presque contradictoires qui marquent le milieu et la seconde moitié du XIIe siècle.
D’une part, certains édifices semblent traduire un certain rejet du décor et une volonté de dépouillement, qui peut correspondre aux aspirations de la partie la plus rigoriste du clergé, influencée peut-être par les idées cisterciennes. A l’abbaye de Sablonceaux ou à la cathédrale Saint-Pierre de Saintes et dans la nef de l’église de l’Abbaye aux Dames, cette architecture rigoureuse crée des volumes imposants couverts de vastes coupoles sur pendentifs, un procédé venu du Périgord et d’Angoulême. Le décor est absent ou réduit à des motifs répétitifs. La petite église des Nouillers témoigne encore aujourd’hui de cette formule.
A l’inverse, sur certaines églises, dont celles de Rétaud et Rioux, l’exubérance ornementale atteint son paroxysme. Dans d’autres enfin, l’élancement des lignes verticales, la systématisation des arcs brisés sur les façades ou le recours aux arcs polylobés et certains décors géométriques ou végétaux un peu secs marquent une autre forme de l’art roman du crépuscule.
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L'architecture d'une église romane
Les églises romanes de la Charente-Maritime présentent souvent un plan très simple. Conformément à la tradition des basiliques paléochrétiennes, une nef plus ou moins vaste accueille les fidèles, et le chevet, situé à l’est, et généralement terminé en abside, abrite le chœur.
Quelques-fois, le volume transversal d’un transept muni de chapelles orientées s’intercale entre la nef et le chevet. Quand il y a un transept, un clocher s’élève à la croisée. Lorsqu’il n’y en a pas, celui-ci se dresse sur une travée intermédiaire entre la nef et l’extrémité du chevet.
La principale nouveauté de l’architecture romane par rapport aux formes plus traditionnelles qui ont marqué le haut Moyen Âge réside dans la volonté de couvrir de voûtes tous les volumes des édifices. Ce voûtement a engendré une nouvelle conception des murs et des piliers, plus articulés et structurés. Renforcées de contreforts, de colonnes engagées et d’arcades, les élévations sont rythmées par des travées nettement dessinées. Certains édifices conservent toutefois des nefs non voûtées du XIe siècle, avec leurs petites fenêtres à linteaux.
Une seule église, Saint-Eutrope de Saintes, liée à un prieuré de l’ordre de Cluny, est dotée d’un vaste chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes, malheureusement altéré au XVe siècle par la construction d’une nouvelle et grande chapelle axiale gothique. Une des cryptes les plus spectaculaires du monde roman s’ouvre sous le sanctuaire, accueillant les pèlerins autour du reliquaire de saint Eutrope. La nef disparue était divisée en trois vaisseaux. Le caractère exceptionnel de cette église et de son chantier de construction, commencé en 1081, en a fait une source d’inspiration pour les églises du diocèse.
A Trizay s’élèvent les vestiges d’un vaste et énigmatique édifice, unique en son genre dans l’art roman du département, associant un chevet traditionnel à un plan octogonal.
Quelques-fois, le volume transversal d’un transept muni de chapelles orientées s’intercale entre la nef et le chevet. Quand il y a un transept, un clocher s’élève à la croisée. Lorsqu’il n’y en a pas, celui-ci se dresse sur une travée intermédiaire entre la nef et l’extrémité du chevet.
La principale nouveauté de l’architecture romane par rapport aux formes plus traditionnelles qui ont marqué le haut Moyen Âge réside dans la volonté de couvrir de voûtes tous les volumes des édifices. Ce voûtement a engendré une nouvelle conception des murs et des piliers, plus articulés et structurés. Renforcées de contreforts, de colonnes engagées et d’arcades, les élévations sont rythmées par des travées nettement dessinées. Certains édifices conservent toutefois des nefs non voûtées du XIe siècle, avec leurs petites fenêtres à linteaux.
Une seule église, Saint-Eutrope de Saintes, liée à un prieuré de l’ordre de Cluny, est dotée d’un vaste chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes, malheureusement altéré au XVe siècle par la construction d’une nouvelle et grande chapelle axiale gothique. Une des cryptes les plus spectaculaires du monde roman s’ouvre sous le sanctuaire, accueillant les pèlerins autour du reliquaire de saint Eutrope. La nef disparue était divisée en trois vaisseaux. Le caractère exceptionnel de cette église et de son chantier de construction, commencé en 1081, en a fait une source d’inspiration pour les églises du diocèse.
A Trizay s’élèvent les vestiges d’un vaste et énigmatique édifice, unique en son genre dans l’art roman du département, associant un chevet traditionnel à un plan octogonal.
Géolocalisation
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Les plans
Les églises romanes de la Charente-Maritime ne présentent que peu de variantes dans leurs plans. Nous ignorons comment se présentaient les deux églises les plus prestigieuses du diocèse de Saintes à l’époque romane : la cathédrale de Saintes et l’église de l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély. Deux édifices, parmi ceux qui subsistent, présentent des plans exceptionnels et uniques sur le territoire : Saint-Eutrope de Saintes, avec son vaste chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes, inspiré par les monuments du Poitou, et l’église du prieuré Saint-Jean-l’Evangéliste de Trizay, avec son plan octogonal.
Pour toutes les autres églises, même les plus importantes, comme celle de l’Abbaye aux Dames de Saintes, le schéma est des plus simples : une nef pouvant, dans de rares cas, être dotée de collatéraux, un transept muni en général d’une chapelle absidiale sur chaque bras et un chevet, le plus souvent une abside, parfois à pans coupés, le plus souvent arrondie.
Une des caractéristiques de certains édifices saintongeais réside dans l’étirement en profondeur de ce chevet, à l’imitation de celui de Saint-Eutrope. La majorité des petites églises paroissiales est dépourvue de transept, et le plan le plus élémentaire se réduit à une nef unique, suivie d’une travée droite souvent un peu plus étroite, et terminée par une abside.
Parfois, un clocher peu cantonner la nef, comme à Beurlay ou le chevet, comme à Fenioux. Quelques formes plus rares sont à signaler : à Marignac et à Chaniers, où deux absides perpendiculaires donnent au chevet un plan tréflé. A Bougneau, le chevet est rectangulaire à l’extérieur et en abside à l’intérieur.
La dernière phase de l’époque romane voit se multiplier une autre formule d’église à chevet rectangulaires, se terminant par un mur plat.
Pour toutes les autres églises, même les plus importantes, comme celle de l’Abbaye aux Dames de Saintes, le schéma est des plus simples : une nef pouvant, dans de rares cas, être dotée de collatéraux, un transept muni en général d’une chapelle absidiale sur chaque bras et un chevet, le plus souvent une abside, parfois à pans coupés, le plus souvent arrondie.
Une des caractéristiques de certains édifices saintongeais réside dans l’étirement en profondeur de ce chevet, à l’imitation de celui de Saint-Eutrope. La majorité des petites églises paroissiales est dépourvue de transept, et le plan le plus élémentaire se réduit à une nef unique, suivie d’une travée droite souvent un peu plus étroite, et terminée par une abside.
Parfois, un clocher peu cantonner la nef, comme à Beurlay ou le chevet, comme à Fenioux. Quelques formes plus rares sont à signaler : à Marignac et à Chaniers, où deux absides perpendiculaires donnent au chevet un plan tréflé. A Bougneau, le chevet est rectangulaire à l’extérieur et en abside à l’intérieur.
La dernière phase de l’époque romane voit se multiplier une autre formule d’église à chevet rectangulaires, se terminant par un mur plat.
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Volumes et structures
Au-delà de leur plan, que l’on ne peut pas toujours appréhender du premier coup d’œil, et qui est souvent perturbé par les transformations, adjonctions et mutilations, les églises romanes se perçoivent avant tout par leur silhouette pouvant être accentuée ou non par une tour ou parfois un simple clocher-arcade s’élevant sur la façade ou à jonction de la nef et du chevet.
En règle générale, une des caractéristiques de l’art roman, qui se vérifie sur la majorité des édifices de la Charente-Maritime, est la grande lisibilité en volume de chacun des éléments du plan : nef, travée sous clocher, abside, bras de transept, absidioles se dessinent nettement et s’emboîtent les unes dans les autres, le clocher constituant le point culminant de cet assemblage de formes simples. La structure de ces édifices est essentiellement intégrée dans les parois des murs, à travers tous les éléments d’articulation – contreforts, contreforts colonnes, arcades – qui les renforcent et les animent.
Une des principales difficultés des bâtisseurs est la gestion des poussées imposées par les voûtes, d’où ces renforcements qui rythment l’édifice. La combinaison des volumes couverts de voûtes et de plans plus ou moins complexes engendre une perception de l’espace intérieur qui peut être très variable, en fonction également de la position et de la dimension des fenêtres.
La délimitation des espaces, les liaisons, notamment entre la nef, le transept et le chevet, ont donné lieu à des solutions diverses, mais d’une manière générale, en l’absence de transept, les chevets sont souvent plus étroits et plus bas que les nefs.
Dans le cas d’édifices à nef unique et à transept, le rétrécissement dû à la présence des supports d’un clocher à la croisée a pu donner naissance à des passages latéraux permettant d’accéder directement aux bras de transept, comme à l’Abbaye aux Dames ou à Geay, notamment.
En règle générale, une des caractéristiques de l’art roman, qui se vérifie sur la majorité des édifices de la Charente-Maritime, est la grande lisibilité en volume de chacun des éléments du plan : nef, travée sous clocher, abside, bras de transept, absidioles se dessinent nettement et s’emboîtent les unes dans les autres, le clocher constituant le point culminant de cet assemblage de formes simples. La structure de ces édifices est essentiellement intégrée dans les parois des murs, à travers tous les éléments d’articulation – contreforts, contreforts colonnes, arcades – qui les renforcent et les animent.
Une des principales difficultés des bâtisseurs est la gestion des poussées imposées par les voûtes, d’où ces renforcements qui rythment l’édifice. La combinaison des volumes couverts de voûtes et de plans plus ou moins complexes engendre une perception de l’espace intérieur qui peut être très variable, en fonction également de la position et de la dimension des fenêtres.
La délimitation des espaces, les liaisons, notamment entre la nef, le transept et le chevet, ont donné lieu à des solutions diverses, mais d’une manière générale, en l’absence de transept, les chevets sont souvent plus étroits et plus bas que les nefs.
Dans le cas d’édifices à nef unique et à transept, le rétrécissement dû à la présence des supports d’un clocher à la croisée a pu donner naissance à des passages latéraux permettant d’accéder directement aux bras de transept, comme à l’Abbaye aux Dames ou à Geay, notamment.
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Charpentes et voûtes
Les premières églises romanes étaient encore couvertes d’une simple charpente, qui n’avait qu’une faible incidence sur les murs, puisque les poussées qu’elles exercent sont strictement verticales. Le voûtement systématique a entraîné un véritable bouleversement dans la conception des murs, mais dans beaucoup de cas, les voûtes des nefs se sont effondrées, parfois très tôt, en raison d’une mauvaise prise en compte de leurs effets sur les murs, qui se sont écartés. Cela se manifeste en particulier sur les nefs uniques couvertes de voûtes en berceau, qui exercent d’importantes poussées latérales. D’ailleurs la plupart ne sont plus en place ou ont été refaites à l’époque moderne. Divers types de voûtes ont été employés, en fonction des espaces à couvrir. Les voûtes d’arêtes sont rares. Il y en a dans la crypte de Saint-Eutrope. Les bras de transepts et les nefs sont généralement dotés de voûtes en berceau plein cintre ou brisées, renforcées par des arcs doubleaux. A Saint-Eutrope de Saintes, les collatéraux du chevet sont voûtés en demi-berceau. En ce qui concerne l’éclairage des nefs à trois vaisseaux, aucune, en Charente-Maritime, n’a reçu un volume de type basilical, et, comme en Poitou, les voûtes des collatéraux sont à peu près à la même hauteur que celles du vaisseau central qui ne reçoit donc jamais un éclairage direct.
Sur les absides, on avait déjà l’habitude de concevoir des voûtes en cul-de-four, c’est-à-dire des demi-coupoles. Le système des coupoles, d’abord concentré sur les croisées de transept de plan carré, pouvait se décliner sous la forme de coupoles sur trompes ou de coupoles sur pendentifs. Ce dernier dispositif fut également employé au XIIe siècle pour couvrir les travées de certaines nefs uniques, qu’on dit alors « à file de coupoles », comme à l’Abbaye aux Dames, à Sablonceaux, Saint-Romain-de-Benêt ou Les Nouillers. Certaines coupoles de croisées de transepts, enfin, sont renforcées par des systèmes de nervures, qui annoncent les voûtes d’ogives. Celles-ci apparaissent dès le milieu du XIIe siècle, sous la tribune de Saint-Gemme ou dans la nef d’Ars-en-Ré.
Sur les absides, on avait déjà l’habitude de concevoir des voûtes en cul-de-four, c’est-à-dire des demi-coupoles. Le système des coupoles, d’abord concentré sur les croisées de transept de plan carré, pouvait se décliner sous la forme de coupoles sur trompes ou de coupoles sur pendentifs. Ce dernier dispositif fut également employé au XIIe siècle pour couvrir les travées de certaines nefs uniques, qu’on dit alors « à file de coupoles », comme à l’Abbaye aux Dames, à Sablonceaux, Saint-Romain-de-Benêt ou Les Nouillers. Certaines coupoles de croisées de transepts, enfin, sont renforcées par des systèmes de nervures, qui annoncent les voûtes d’ogives. Celles-ci apparaissent dès le milieu du XIIe siècle, sous la tribune de Saint-Gemme ou dans la nef d’Ars-en-Ré.
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Elévations
L’apparence de l’enveloppe murale des églises romanes de Charente-Maritime est l’aspect qui les caractérise le mieux. Ce sont les élévations des murs, à l’extérieur d’abord, à l’intérieur ensuite, qui accrochent le regard et qui constituent l’épiderme de l’édifice.
Quand il n’est pas recouvert d’un badigeon, généralement récent, c’est le parement de pierre qui occupe l’essentiel des surfaces. Sur les édifices les plus anciens, le moellon, petit bloc plus ou moins régulier, parfois calibré et noyé dans un mortier à base de chaux et de sable, qui constitue l’essentiel du mur. La pierre de taille n’est dans ce cas employée que de façon limitée aux angles des murs ou autour des fenêtres.
Mais l’essentiel des édifices encore visibles est construit en pierre de taille, avec des blocs parfaitement taillés de dimension moyenne, posés en assises régulières à joints minces. Les blocs présentent en général des stries obliques, traces du marteau taillant, un outil en forme de hache qui permet d’égaliser les surfaces. Il arrive que l’on aperçoive sur certains blocs des marques lapidaires, sortes de signatures laissées par les tailleurs de pierre au XIIe siècle.
L’animation des parois peut également être assurée par la mise en œuvre d’appareils décoratifs, à l’aide de pierres de taille disposées en épis, ou taillées en formes de losanges (appareil réticulé) ou d’écailles. Les chevets des églises de Rétaud et de Rioux présentent des pans entiers de telles marqueteries de pierre, inspirées d’une tradition antique.
Si les murs gouttereaux (latéraux) des nefs sont généralement assez sobres, les chevets et les façades occidentales des églises romanes de la Charente-Maritime offrent toute une série de variantes de compositions complexes, en registres horizontaux superposés et animés d’une multitude d’arcades en relief sur les murs. A cela s’ajoutent les moulures, décors sculptés et colonnettes pouvant accompagner les fenêtres, en particulier sur les chevets.
Quand il n’est pas recouvert d’un badigeon, généralement récent, c’est le parement de pierre qui occupe l’essentiel des surfaces. Sur les édifices les plus anciens, le moellon, petit bloc plus ou moins régulier, parfois calibré et noyé dans un mortier à base de chaux et de sable, qui constitue l’essentiel du mur. La pierre de taille n’est dans ce cas employée que de façon limitée aux angles des murs ou autour des fenêtres.
Mais l’essentiel des édifices encore visibles est construit en pierre de taille, avec des blocs parfaitement taillés de dimension moyenne, posés en assises régulières à joints minces. Les blocs présentent en général des stries obliques, traces du marteau taillant, un outil en forme de hache qui permet d’égaliser les surfaces. Il arrive que l’on aperçoive sur certains blocs des marques lapidaires, sortes de signatures laissées par les tailleurs de pierre au XIIe siècle.
L’animation des parois peut également être assurée par la mise en œuvre d’appareils décoratifs, à l’aide de pierres de taille disposées en épis, ou taillées en formes de losanges (appareil réticulé) ou d’écailles. Les chevets des églises de Rétaud et de Rioux présentent des pans entiers de telles marqueteries de pierre, inspirées d’une tradition antique.
Si les murs gouttereaux (latéraux) des nefs sont généralement assez sobres, les chevets et les façades occidentales des églises romanes de la Charente-Maritime offrent toute une série de variantes de compositions complexes, en registres horizontaux superposés et animés d’une multitude d’arcades en relief sur les murs. A cela s’ajoutent les moulures, décors sculptés et colonnettes pouvant accompagner les fenêtres, en particulier sur les chevets.
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La sculpture romane
Le déploiement sans équivalent de la sculpture sur les églises constitue sans aucun doute l’attrait majeur de l’art roman en Charente-Maritime et dans la France du Sud-Ouest.
Le calcaire facile à tailler et à sculpter a permis l’expression de la virtuosité des artistes et la multiplication des motifs ornementaux autant que des images porteuses de signification.
Les premiers supports de la sculpture furent les chapiteaux, présents en grand nombre en raison de la nouvelle structure architecturale, où les colonnes engagées sont omniprésentes, aux points sensibles des édifices, comme la croisée du transept, mais aussi sur l’ensemble des parois, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Au XIIe siècle, le décor sculpté accompagne tous les éléments qui rythment et animent l’architecture, en particulier à l’extérieur des édifices, comme par exemples les modillons, qui se multiplient au sommet des murs pour soutenir les corniches. Rapidement, la sculpture investit de nouveaux supports, en se concentrant sur les portails et les façades qui offrent dans certains cas de véritables programmes d’images structurés et porteurs d’un discours théologique très élaboré.
Les figures se déploient sur les voussures, sur les chapiteaux, sur les tympans des arcades latérales des portails. Elles envahissent également les registres supérieurs, où elles peuvent peupler des arcatures. De véritables statues en très haut relief, représentant souvent l’empereur Constantin, protecteur du christianisme, se dressent dans des niches sur des façades du XIIe siècle, comme le montre encore l’église de Surgères.
Le calcaire facile à tailler et à sculpter a permis l’expression de la virtuosité des artistes et la multiplication des motifs ornementaux autant que des images porteuses de signification.
Les premiers supports de la sculpture furent les chapiteaux, présents en grand nombre en raison de la nouvelle structure architecturale, où les colonnes engagées sont omniprésentes, aux points sensibles des édifices, comme la croisée du transept, mais aussi sur l’ensemble des parois, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Au XIIe siècle, le décor sculpté accompagne tous les éléments qui rythment et animent l’architecture, en particulier à l’extérieur des édifices, comme par exemples les modillons, qui se multiplient au sommet des murs pour soutenir les corniches. Rapidement, la sculpture investit de nouveaux supports, en se concentrant sur les portails et les façades qui offrent dans certains cas de véritables programmes d’images structurés et porteurs d’un discours théologique très élaboré.
Les figures se déploient sur les voussures, sur les chapiteaux, sur les tympans des arcades latérales des portails. Elles envahissent également les registres supérieurs, où elles peuvent peupler des arcatures. De véritables statues en très haut relief, représentant souvent l’empereur Constantin, protecteur du christianisme, se dressent dans des niches sur des façades du XIIe siècle, comme le montre encore l’église de Surgères.
Géolocalisation
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Les chapiteaux
Le chapiteau, hérité de la tradition antique, est un élément qui couronne un support, que ce soit une colonne isolée, une colonne engagée ou un pilastre.
C’est dans l’ordre corinthien qu’il a trouvé, dans la Grèce antique, sont expression la plus aboutie, avec un décor de feuilles d’acanthe s’emboîtant sur une corbeille. A partir de ce prototype, diffusé par l’art romain, le Moyen Âge a développé une grande variété de formes, toujours surmontées d’un tailloir, qui constitue une sorte de corniche au-dessus de la corbeille.
L’art roman, qui multiplie les supports verticaux, fait du chapiteau une surface privilégiée, non seulement pour le développement d’un décor sculpté plus ou moins inspiré des modèles antiques, comme c’est encore le cas dans la crypte de Saint-Eutrope de Saintes, mais aussi pour l’expression d’images en relief qui viennent ponctuer l’espace de l’église, à l’intérieur d’abord, puis à l’extérieur.
Les chapiteaux de la croisée du transept de Saint-Eutrope introduisent vers 1100 un style vivant et agité où se côtoient personnages, figures animales et rinceaux végétaux. C’est là aussi que se rencontrent les premières scènes historiées, telles que la Pesée des Âmes ou Daniel dans la Fosse aux Lions. Ces chapiteaux se prolongent d’ailleurs autour des piliers comme une frise.
L’influence du style très exubérant des enluminures de manuscrits a probablement influencé les artistes de cet atelier, à l’origine d’un véritable courant stylistique en Saintonge. Plus tard, à Aulnay, le même esprit est encore présent, produisant des œuvres majeures telles que les fameux éléphants ou la scène de Samson trahi par Dalila. Une des particularités de la Saintonge se manifeste sur les chapiteaux dits « engoulants », où la corbeille est remplacée par un masque démoniaque ou grimaçant, dont la gueule grande ouverte semble avaler la colonne qui le supporte.
C’est dans l’ordre corinthien qu’il a trouvé, dans la Grèce antique, sont expression la plus aboutie, avec un décor de feuilles d’acanthe s’emboîtant sur une corbeille. A partir de ce prototype, diffusé par l’art romain, le Moyen Âge a développé une grande variété de formes, toujours surmontées d’un tailloir, qui constitue une sorte de corniche au-dessus de la corbeille.
L’art roman, qui multiplie les supports verticaux, fait du chapiteau une surface privilégiée, non seulement pour le développement d’un décor sculpté plus ou moins inspiré des modèles antiques, comme c’est encore le cas dans la crypte de Saint-Eutrope de Saintes, mais aussi pour l’expression d’images en relief qui viennent ponctuer l’espace de l’église, à l’intérieur d’abord, puis à l’extérieur.
Les chapiteaux de la croisée du transept de Saint-Eutrope introduisent vers 1100 un style vivant et agité où se côtoient personnages, figures animales et rinceaux végétaux. C’est là aussi que se rencontrent les premières scènes historiées, telles que la Pesée des Âmes ou Daniel dans la Fosse aux Lions. Ces chapiteaux se prolongent d’ailleurs autour des piliers comme une frise.
L’influence du style très exubérant des enluminures de manuscrits a probablement influencé les artistes de cet atelier, à l’origine d’un véritable courant stylistique en Saintonge. Plus tard, à Aulnay, le même esprit est encore présent, produisant des œuvres majeures telles que les fameux éléphants ou la scène de Samson trahi par Dalila. Une des particularités de la Saintonge se manifeste sur les chapiteaux dits « engoulants », où la corbeille est remplacée par un masque démoniaque ou grimaçant, dont la gueule grande ouverte semble avaler la colonne qui le supporte.
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Définitions
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Les modillons et les métopes
Les murs de nombreuses églises sont couronnés d’une corniche dont l’encorbellement permet de rejeter les eaux des toitures à distance du mur. Ces corniches sont généralement supportées par de petits blocs faisant saillie sur le mur, les modillons, qui existaient déjà dans l’architecture antique. A l’époque romane, ces modillons sont investis par la sculpture, dès le XIe siècle, d’abord avec des motifs assez simples, géométriques ou végétaux, puis par des images de plus en plus élaborées, avec des figures animales ou humaines, des masques, des êtres hybrides ou monstrueux et parfois même par de véritables scènes, dont certaines peuvent paraître scabreuses ou grivoises.
Cette vie grouillante déjà largement exprimée sur les chapiteaux, s’y déploie sous tous les aspects, souvent les plus négatifs du point de vue de la morale chrétienne. Ces images ne sont pas, contrairement à une idée répandue, des sortes de déviances ou de pieds de nez des artistes, mais plutôt une façon de montrer les forces du Mal à l’œuvre, et la manière dont elles se manifestent dans le monde.
Le thème de la danse, de la contorsion, de la musique profane qui détourne le fidèle du droit chemin, de la gourmandise, de l’avarice, et de toutes les formes du péché et de la tentation s’expriment avec une liberté de ton qui ne se justifie que par le rôle spécifique accordé à ces emplacements par les maîtres d’ouvrage.
Parfois, des images plus positives viennent s’insérer dans ces séries, montrant simplement des contre-modèles chrétiens ou des symboles du triomphe du Christ, comme par exemple les oiseaux s’abreuvant à une coupe, symbole de l’Eucharistie. Sur certains édifices, des panneaux ornés de bas-reliefs, les métopes, elles-aussi issues d’une tradition antique, viennent s’intercaler entre les modillons, comme c’est le cas notamment au chevet de l’église de Marignac ou sur la façade de celle de Surgères.
Cette vie grouillante déjà largement exprimée sur les chapiteaux, s’y déploie sous tous les aspects, souvent les plus négatifs du point de vue de la morale chrétienne. Ces images ne sont pas, contrairement à une idée répandue, des sortes de déviances ou de pieds de nez des artistes, mais plutôt une façon de montrer les forces du Mal à l’œuvre, et la manière dont elles se manifestent dans le monde.
Le thème de la danse, de la contorsion, de la musique profane qui détourne le fidèle du droit chemin, de la gourmandise, de l’avarice, et de toutes les formes du péché et de la tentation s’expriment avec une liberté de ton qui ne se justifie que par le rôle spécifique accordé à ces emplacements par les maîtres d’ouvrage.
Parfois, des images plus positives viennent s’insérer dans ces séries, montrant simplement des contre-modèles chrétiens ou des symboles du triomphe du Christ, comme par exemple les oiseaux s’abreuvant à une coupe, symbole de l’Eucharistie. Sur certains édifices, des panneaux ornés de bas-reliefs, les métopes, elles-aussi issues d’une tradition antique, viennent s’intercaler entre les modillons, comme c’est le cas notamment au chevet de l’église de Marignac ou sur la façade de celle de Surgères.
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Les portails et les façades
A partir de 1100 environ, les portails, puis les façades dans lesquelles ils s’ouvrent, deviennent un nouvel emplacement privilégié pour la sculpture, et cela se manifeste clairement en Saintonge. Sur certains édifices modestes on perçoit simplement une volonté d’organiser la composition de la façade et de souligner le cadre du portail avec quelques éléments en relief. Mais dans beaucoup de cas, ce sont des images qui envahissent l’environnement de ce passage pour en souligner l’importance et délivrer un message de plus en plus élaboré aux fidèles qui le franchissent.
Il est remarquable de constater que les tympans sculptés au-dessus des portails, apparus à la même époque en Bourgogne ou en Languedoc, n’ont guère connu de véritable écho dans la région, sauf sur des arcades latérales aveugles, comme à Aulnay, Corme-Royal ou Pont-L’Abbé-d’Arnoult. Le décor investit de façon privilégiée les voussures, ces arcs plus ou moins nombreux selon l’épaisseur de la paroi et la largeur de l’ouverture, disposés en encorbellement les uns par rapport aux autres.
Deux formules sont utilisées : la première est celle du système rayonnant, qui dispose les personnages et les motifs côte à côte, claveau par claveau. L’autre disposition est « rampante », les figures s’étirant en suivant la courbe de l’arc, et dans ce cas elles sont divisées en plusieurs claveaux assemblés. L’arcade latérale gauche de l’Abbaye aux Dames en est sans doute un des premiers exemples.
Dans de nombreux cas, le décor sculpté se développe non seulement le portail lui-même, avec ses voussures et leurs chapiteaux, mais aussi les arcades latérales, généralement aveugles. Parfois il s’étend aux parois situées au-dessus des portails, et même aux étages, par l’installation de figures au relief plus ou moins accentué, ou de véritables statues comme les cavaliers de la façade de Surgères, la plus monumentale du département avec son étirement horizontal divisé en sept travées.
Il est remarquable de constater que les tympans sculptés au-dessus des portails, apparus à la même époque en Bourgogne ou en Languedoc, n’ont guère connu de véritable écho dans la région, sauf sur des arcades latérales aveugles, comme à Aulnay, Corme-Royal ou Pont-L’Abbé-d’Arnoult. Le décor investit de façon privilégiée les voussures, ces arcs plus ou moins nombreux selon l’épaisseur de la paroi et la largeur de l’ouverture, disposés en encorbellement les uns par rapport aux autres.
Deux formules sont utilisées : la première est celle du système rayonnant, qui dispose les personnages et les motifs côte à côte, claveau par claveau. L’autre disposition est « rampante », les figures s’étirant en suivant la courbe de l’arc, et dans ce cas elles sont divisées en plusieurs claveaux assemblés. L’arcade latérale gauche de l’Abbaye aux Dames en est sans doute un des premiers exemples.
Dans de nombreux cas, le décor sculpté se développe non seulement le portail lui-même, avec ses voussures et leurs chapiteaux, mais aussi les arcades latérales, généralement aveugles. Parfois il s’étend aux parois situées au-dessus des portails, et même aux étages, par l’installation de figures au relief plus ou moins accentué, ou de véritables statues comme les cavaliers de la façade de Surgères, la plus monumentale du département avec son étirement horizontal divisé en sept travées.
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Style et composition
Les sculpteurs romans ont su développer des formes originales, en adaptant les motifs qu’ils exécutaient à toutes sortes de supports, et en tordant la réalité pour en extraire des reliefs expressifs.
Cette apparente multiplicité de formes est pourtant régie par un certain nombre de règles ou de cadres plus ou moins contraignants. Ainsi, on se rend compte que chaque figure est déterminée par la forme du cadre ou du support qui l’accueille : modillon, claveau d’arc, place laissée par les motifs voisins. Cela entraîne des contorsions ou des rapports d’échelles parfois bien éloignés du « réalisme » auquel nos yeux sont habitués.
La représentation des corps humains ou animaux, des vêtements, des objets, du monde végétal relève davantage de conventions et de nuances de sens que d’un objectif illusionniste. Le sculpteur avait à exprimer les hiérarchies spirituelles et ses images parfois disproportionnées traduisent une vision du monde terrestre qui n’est que le pâle reflet du monde céleste, ce qui lui permet de jouer avec la réalité.
Des schémas géométriques commandent beaucoup d’images et de motifs, qu’il s’agisse d’axes de symétrie, de compositions figurant hommes ou animaux dos-à-dos ou face à face. Les têtes des personnages occupent souvent les angles des corbeilles des chapiteaux quand elles ne sont pas réunies à deux corps.
La beauté des images est également due à la dimension ornementale que prend le traitement de chaque surface, des ailes des oiseaux aux écailles des reptiles, des chevelures des humains aux plis des vêtements ou aux enroulements des rinceaux. Forts de ce riche arsenal de possibilités, et débarrassés de la contrainte du réalisme, les artistes romans ont pu laisser libre court à leur inventivité, même si de nombreux modèles devaient circuler sur les chantiers, parfois inspirés des lettrines des enlumineurs, que chacun reproduisait ou adaptait selon son talent.
Cette apparente multiplicité de formes est pourtant régie par un certain nombre de règles ou de cadres plus ou moins contraignants. Ainsi, on se rend compte que chaque figure est déterminée par la forme du cadre ou du support qui l’accueille : modillon, claveau d’arc, place laissée par les motifs voisins. Cela entraîne des contorsions ou des rapports d’échelles parfois bien éloignés du « réalisme » auquel nos yeux sont habitués.
La représentation des corps humains ou animaux, des vêtements, des objets, du monde végétal relève davantage de conventions et de nuances de sens que d’un objectif illusionniste. Le sculpteur avait à exprimer les hiérarchies spirituelles et ses images parfois disproportionnées traduisent une vision du monde terrestre qui n’est que le pâle reflet du monde céleste, ce qui lui permet de jouer avec la réalité.
Des schémas géométriques commandent beaucoup d’images et de motifs, qu’il s’agisse d’axes de symétrie, de compositions figurant hommes ou animaux dos-à-dos ou face à face. Les têtes des personnages occupent souvent les angles des corbeilles des chapiteaux quand elles ne sont pas réunies à deux corps.
La beauté des images est également due à la dimension ornementale que prend le traitement de chaque surface, des ailes des oiseaux aux écailles des reptiles, des chevelures des humains aux plis des vêtements ou aux enroulements des rinceaux. Forts de ce riche arsenal de possibilités, et débarrassés de la contrainte du réalisme, les artistes romans ont pu laisser libre court à leur inventivité, même si de nombreux modèles devaient circuler sur les chantiers, parfois inspirés des lettrines des enlumineurs, que chacun reproduisait ou adaptait selon son talent.
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Modénature et motifs ornementaux
La sculpture se manifeste en Charente-Maritime sous une multitude de formes, qui ne peuvent pas toujours être assimilées à des images. Les formes les plus courantes accompagnent la modénature, c’est-à-dire l’ensemble des éléments en relief qui viennent animer les murs et souligner les lignes architecturales. Un important répertoire ornemental a été développé par les sculpteurs, dès les premières expériences d’un art roman élaboré, dans la seconde moitié du XIe siècle.
Certaines églises, comme celle de Geay, par exemple, quasiment dépourvues d’images, n’en présentent pas moins un grand nombre de motifs sculptés qui viennent souligner les lignes de force de la structure architecturale et de sa composition. Parmi les premiers motifs utilisés, on peut citer les billettes, de petits segments de moulures demi-cylindriques parfois disposés sur deux rangs, ou encore des motifs cordés ou tressés. L’entrelacs, hérité du haut Moyen Âge, peut également se développer en frise, concurrencé rapidement par les tiges végétales ondoyantes sur lesquelles peuvent s’épanouir des palmettes.
Au XIIe siècle, une multitude de formes se répand en une succession de motifs juxtaposés ou liés de façon continue : dents de scie et zigzags, bâtons brisés, demi cylindres, damiers, écailles, losanges, festons, rubans plissés ou perlés, pointes de diamant, stries, gaufrures, fleurons, feuillages… Plus étonnants encore sont les nombreux ornements constitués de motifs animaux ou humains : petits lions, acrobates, personnages évoluant dans des rinceaux… La formule la plus spécifique à la Charente-Maritime est celle des têtes de chevaux, qui ornent des voussures, à Saint-Fort-sur-Gironde, Saint-Quantin-de-Rançanne et Pérignac.
Certaines églises, comme celle de Geay, par exemple, quasiment dépourvues d’images, n’en présentent pas moins un grand nombre de motifs sculptés qui viennent souligner les lignes de force de la structure architecturale et de sa composition. Parmi les premiers motifs utilisés, on peut citer les billettes, de petits segments de moulures demi-cylindriques parfois disposés sur deux rangs, ou encore des motifs cordés ou tressés. L’entrelacs, hérité du haut Moyen Âge, peut également se développer en frise, concurrencé rapidement par les tiges végétales ondoyantes sur lesquelles peuvent s’épanouir des palmettes.
Au XIIe siècle, une multitude de formes se répand en une succession de motifs juxtaposés ou liés de façon continue : dents de scie et zigzags, bâtons brisés, demi cylindres, damiers, écailles, losanges, festons, rubans plissés ou perlés, pointes de diamant, stries, gaufrures, fleurons, feuillages… Plus étonnants encore sont les nombreux ornements constitués de motifs animaux ou humains : petits lions, acrobates, personnages évoluant dans des rinceaux… La formule la plus spécifique à la Charente-Maritime est celle des têtes de chevaux, qui ornent des voussures, à Saint-Fort-sur-Gironde, Saint-Quantin-de-Rançanne et Pérignac.
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Les images issues de la bible
Les images représentées à travers les sculptures romanes ont d’abord pour vocation de porter un message, qui s’adresse parfois aux religieux eux-mêmes, aux fidèles ou tout simplement à Dieu, comme une prière.
Elles ne sont pas toutes faites pour être vues ni forcément commentées, mais leur emplacement peut avoir un sens dans l’organisation de l’espace ecclésial. Les scènes qui se réfèrent directement aux Écritures sont relativement circonscrites, pour illustrer certains aspects majeurs du dogme chrétien. Certains épisodes, parfois réduits à une seule scène, cruciale, sont souvent présents. Plusieurs appartiennent à l’Ancien Testament, et ont pour vocation de montrer des figures exemplaires ou des épisodes qui, aux yeux de l’Église, annonçaient et préfiguraient le Christ et le Nouveau Testament. Ainsi, à côté du thème du Péché Originel, avec Adam et Ève confrontés à la Tentation, on retrouve parfois le prophète Daniel dans la Fosse aux Lions, comme à Saint-Eutrope de Saintes ou sur un des chapiteaux de Saujon retrouvés lors de fouilles.
Samson terrassant le lion, qui symbolise le Christ triomphant du Mal, est souvent présent également. Pour ce qui est du Nouveau Testament, au cycle de l’Incarnation, qui évoque l’enfance du Christ (Annonciation, Visitation, Nativité, Adoration des Mages et des Bergers, Massacre des Innocents, Fuite en Egypte, Présentation de Jésus au Temple), ou à celui de la Passion et surtout de la Résurrection, résumée par la Visite des Saintes Femmes au Tombeau.
D’autres thèmes, enfin, sont empruntés à certains passages très précis de l’Apocalypse, comme par exemple la Pesée des Âmes, présente à Saint-Eutrope de Saintes et dans sept autres édifices ou encore les fameux Vieillards, témoins du retour du Christ à la fin des temps, que les portails de l’Abbaye aux Dames, d’Avy-en-Pons ou d’Aulnay nous montrent portant un instrument de musique et un flacon de parfum, symboles de leurs prières qui montent vers Dieu.
La vision divine elle-même se traduit par la figure du Christ, reconnaissable à son nimbe frappé d’une croix, ou par un de ses symboles, dont l’Agneau, adoré par des anges.
Elles ne sont pas toutes faites pour être vues ni forcément commentées, mais leur emplacement peut avoir un sens dans l’organisation de l’espace ecclésial. Les scènes qui se réfèrent directement aux Écritures sont relativement circonscrites, pour illustrer certains aspects majeurs du dogme chrétien. Certains épisodes, parfois réduits à une seule scène, cruciale, sont souvent présents. Plusieurs appartiennent à l’Ancien Testament, et ont pour vocation de montrer des figures exemplaires ou des épisodes qui, aux yeux de l’Église, annonçaient et préfiguraient le Christ et le Nouveau Testament. Ainsi, à côté du thème du Péché Originel, avec Adam et Ève confrontés à la Tentation, on retrouve parfois le prophète Daniel dans la Fosse aux Lions, comme à Saint-Eutrope de Saintes ou sur un des chapiteaux de Saujon retrouvés lors de fouilles.
Samson terrassant le lion, qui symbolise le Christ triomphant du Mal, est souvent présent également. Pour ce qui est du Nouveau Testament, au cycle de l’Incarnation, qui évoque l’enfance du Christ (Annonciation, Visitation, Nativité, Adoration des Mages et des Bergers, Massacre des Innocents, Fuite en Egypte, Présentation de Jésus au Temple), ou à celui de la Passion et surtout de la Résurrection, résumée par la Visite des Saintes Femmes au Tombeau.
D’autres thèmes, enfin, sont empruntés à certains passages très précis de l’Apocalypse, comme par exemple la Pesée des Âmes, présente à Saint-Eutrope de Saintes et dans sept autres édifices ou encore les fameux Vieillards, témoins du retour du Christ à la fin des temps, que les portails de l’Abbaye aux Dames, d’Avy-en-Pons ou d’Aulnay nous montrent portant un instrument de musique et un flacon de parfum, symboles de leurs prières qui montent vers Dieu.
La vision divine elle-même se traduit par la figure du Christ, reconnaissable à son nimbe frappé d’une croix, ou par un de ses symboles, dont l’Agneau, adoré par des anges.
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Définitions
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Thèmes symboliques ou allégoriques
De nombreuses images se réduisent à des symboles, tels les oiseaux buvant dans une coupe qui représentent l’Eucharistie. Beaucoup sont construites à partir de l’exégèse, c’est-à-dire des commentaires des textes fondamentaux par les théologiens de l’Antiquité et du Moyen Âge. Ce sont généralement des scènes ou des figures qui, par l’exemplarité qu’elles proposent, apparaissent comme des modèles pour les fidèles ou désignent au contraire des aspects négatifs que le chrétien doit éviter s’il veut gagner le Salut.
Certaines de ces images proviennent de l’enluminure, où elles illustraient déjà des textes à portée morale ou des préceptes à destination des chrétiens. Le plus spectaculaire de ces thèmes est celui de la Psychomachie, une image allégorique du combat que se livrent le Bien et le Mal dans l’âme humaine, évoqué par Prudence, un auteur chrétien du IVe siècle. Les Vertus, représentées par des femmes vêtues d’armures, terrassent les Vices, qui sont semblables à de petits être démoniaques transpercés par les épées ou les lances. Ce thème côtoie souvent une parabole rapportée par le Christ, celle des Vierges Sages et des Vierges Folles.
Les représentations de saints et de martyrs, tenant généralement ou par un attribut qui les identifie, viennent renforcer le caractère exemplaire des images : certaines se reconnaissent aisément, comme saint Pierre, tenant les clés de l’Eglise ou sainte Catherine, tenant la roue sur laquelle elle fut martyrisée. Saint Georges terrassant le dragon est quant à lui un symbole du Christ triomphant du Mal, comme en général les chevaliers affrontant des dragons.
Péchés et vices peuvent être évoqués à travers le châtiment qui leur correspond. Ainsi trouve-t-on parfois l’Avare, tourmenté par des démons qui l’étranglent avec les cordons de sa bourse. Les statues équestres qui occupaient des niches sur des façades, dont la plupart ont disparu, représentaient l’empereur romain Constantin, considéré comme le fondateur et protecteur de l’Église.
Certaines de ces images proviennent de l’enluminure, où elles illustraient déjà des textes à portée morale ou des préceptes à destination des chrétiens. Le plus spectaculaire de ces thèmes est celui de la Psychomachie, une image allégorique du combat que se livrent le Bien et le Mal dans l’âme humaine, évoqué par Prudence, un auteur chrétien du IVe siècle. Les Vertus, représentées par des femmes vêtues d’armures, terrassent les Vices, qui sont semblables à de petits être démoniaques transpercés par les épées ou les lances. Ce thème côtoie souvent une parabole rapportée par le Christ, celle des Vierges Sages et des Vierges Folles.
Les représentations de saints et de martyrs, tenant généralement ou par un attribut qui les identifie, viennent renforcer le caractère exemplaire des images : certaines se reconnaissent aisément, comme saint Pierre, tenant les clés de l’Eglise ou sainte Catherine, tenant la roue sur laquelle elle fut martyrisée. Saint Georges terrassant le dragon est quant à lui un symbole du Christ triomphant du Mal, comme en général les chevaliers affrontant des dragons.
Péchés et vices peuvent être évoqués à travers le châtiment qui leur correspond. Ainsi trouve-t-on parfois l’Avare, tourmenté par des démons qui l’étranglent avec les cordons de sa bourse. Les statues équestres qui occupaient des niches sur des façades, dont la plupart ont disparu, représentaient l’empereur romain Constantin, considéré comme le fondateur et protecteur de l’Église.
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La vie des hommes
Même si elles sont mises au service d’un message plus spirituel, de nombreuses images sculptées nous font voir la réalité du monde terrestre et de la vie des hommes. Ainsi, les costumes, qui sont souvent ceux de la période contemporaine des sculptures, même quand elles évoquent des scènes bibliques, nous permettent de voir comment étaient vêtus souverains et paysans, seigneurs et évêques.
Certaines scènes de travaux illustrent les activités des saisons accompagnant le Zodiaque. On peut y observer des objets et outils courants, du tonneau à la serpe et de la hotte au harnachement des chevaux. Certaines scènes guerrières nous permettent de comprendre le costume et l’armement des chevaliers, portant la broigne ou la cotte de mailles, le bouclier et l’épée, tandis que les manants se battaient avec de simples bâtons.
Dans les scènes de chasse, on reconnaît rabatteurs et les sonneurs de cor. Qu’elles soient positives ou négatives, les images romanes nous offrent directement ou indirectement une vision de la vie médiévale. Musiciens et contorsionnistes, danseuses et acrobates, peu appréciés du clergé, sont toutefois représentés avec beaucoup de détails pris sur le vif. Les instruments de musique tels que le rebab, ancêtre du violon, la harpe, la lyre ou le cor se retrouvent fréquemment.
Lorsque Dalila trahit Samson et lui coupe ses longs cheveux, elle brandit des forces, l’outil dont dérivent les ciseaux. Ici où là un artisan tient une pince ou un marteau, un buveur boit à un tonnelet. Certaines scènes reflètent un véritable sens de l’observation des réalités du monde, tels les jeux d’enfants ou la scène d’adultère de Marignac, les tireurs de corde de Talmont ou les acrobates de Chadenac.
Un motif emblématique de la Charente-Maritime est celui de l’homme portant sur son épaule un énorme poisson. Même s’il exprime le poids du péché qui pèse sur lui, il peut également être vu comme la représentation d’une activité qui anime encore le littoral saintongeais.
Certaines scènes de travaux illustrent les activités des saisons accompagnant le Zodiaque. On peut y observer des objets et outils courants, du tonneau à la serpe et de la hotte au harnachement des chevaux. Certaines scènes guerrières nous permettent de comprendre le costume et l’armement des chevaliers, portant la broigne ou la cotte de mailles, le bouclier et l’épée, tandis que les manants se battaient avec de simples bâtons.
Dans les scènes de chasse, on reconnaît rabatteurs et les sonneurs de cor. Qu’elles soient positives ou négatives, les images romanes nous offrent directement ou indirectement une vision de la vie médiévale. Musiciens et contorsionnistes, danseuses et acrobates, peu appréciés du clergé, sont toutefois représentés avec beaucoup de détails pris sur le vif. Les instruments de musique tels que le rebab, ancêtre du violon, la harpe, la lyre ou le cor se retrouvent fréquemment.
Lorsque Dalila trahit Samson et lui coupe ses longs cheveux, elle brandit des forces, l’outil dont dérivent les ciseaux. Ici où là un artisan tient une pince ou un marteau, un buveur boit à un tonnelet. Certaines scènes reflètent un véritable sens de l’observation des réalités du monde, tels les jeux d’enfants ou la scène d’adultère de Marignac, les tireurs de corde de Talmont ou les acrobates de Chadenac.
Un motif emblématique de la Charente-Maritime est celui de l’homme portant sur son épaule un énorme poisson. Même s’il exprime le poids du péché qui pèse sur lui, il peut également être vu comme la représentation d’une activité qui anime encore le littoral saintongeais.
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Le bestiaire : les animaux
Les animaux sont omniprésents dans la sculpture des églises, et leur signification n’est pas toujours la même. Un même animal, le lion, par exemple, peut aussi bien représenter des forces positives et bienveillantes, qu’incarner les puissances démoniaques. Tout est question de contexte. Fauves et oiseaux occupent de loin la première place dans cette galerie animalière, même si on rencontre ici ou là bien d’autres espèces.
Si des aigles ou des chouettes sont parfois reconnaissables, les volatiles sont rarement identifiables en tant qu’espèce, et les fauves sont eux-mêmes indifférenciés. Mais bien d’autres animaux peuplent les églises. A Grézac sont représentés le renard et la cigogne de la fable d’Esope. A Aulnay, des éléphants semblent surgir de quelque broderie venue d’Orient. Têtes de bovins ou de caprins, de chiens et de loups, occupent de nombreux modillons. Les chevaux, toujours proches des hommes, sont au premier rang des animaux domestiques. Le serpent, animal rampant, et créature du Diable, est l’inspirateur des actions mauvaises.
Dans de nombreuses scènes, les hommes sont confrontés au monde animal, dans des postures cocasses ou pacifiques, et parfois de façon violente ou chaotique. Du pêcheur portant un poisson au dompteur maîtrisant des fauves, jusqu’à de véritables scènes de carnage où des animaux attaquent et dévorent des humains, ces confrontations sont omniprésentes, à l’intérieur comme à l’extérieur des églises.
Combats, enchevêtrements et empilements d’animaux – essentiellement des lions et des oiseaux – apparus au début du XIIe siècle à la croisée du transept de Saint-Eutrope se multiplient sur les chapiteaux et sont une véritable signature de l’art roman charentais.
Dans la sculpture romane, les vertus ou les défauts prêtés aux animaux, souvent repris de traditions antiques rapportées par les Bestiaires, donnent au monde animal une signification qui est bien éloignée de toute considération naturaliste et qui n’est souvent qu’une façon d’illustrer des aspects de l’âme humaine.
Si des aigles ou des chouettes sont parfois reconnaissables, les volatiles sont rarement identifiables en tant qu’espèce, et les fauves sont eux-mêmes indifférenciés. Mais bien d’autres animaux peuplent les églises. A Grézac sont représentés le renard et la cigogne de la fable d’Esope. A Aulnay, des éléphants semblent surgir de quelque broderie venue d’Orient. Têtes de bovins ou de caprins, de chiens et de loups, occupent de nombreux modillons. Les chevaux, toujours proches des hommes, sont au premier rang des animaux domestiques. Le serpent, animal rampant, et créature du Diable, est l’inspirateur des actions mauvaises.
Dans de nombreuses scènes, les hommes sont confrontés au monde animal, dans des postures cocasses ou pacifiques, et parfois de façon violente ou chaotique. Du pêcheur portant un poisson au dompteur maîtrisant des fauves, jusqu’à de véritables scènes de carnage où des animaux attaquent et dévorent des humains, ces confrontations sont omniprésentes, à l’intérieur comme à l’extérieur des églises.
Combats, enchevêtrements et empilements d’animaux – essentiellement des lions et des oiseaux – apparus au début du XIIe siècle à la croisée du transept de Saint-Eutrope se multiplient sur les chapiteaux et sont une véritable signature de l’art roman charentais.
Dans la sculpture romane, les vertus ou les défauts prêtés aux animaux, souvent repris de traditions antiques rapportées par les Bestiaires, donnent au monde animal une signification qui est bien éloignée de toute considération naturaliste et qui n’est souvent qu’une façon d’illustrer des aspects de l’âme humaine.
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Le bestiaire : monstres et hybrides
Les Bestiaires, issus de la littérature gréco-romaine, furent transmis par l’intermédiaire du Physiologus, un ouvrage de l’Antiquité tardive maintes fois recopié, enrichi et commenté tout au long du Moyen Âge. Ils illustrent la richesse et la diversité de la Création, mêlant des animaux bien réels, auxquels on prête symboliquement vertus et vices, à des créatures mythologiques et légendaires, nées de l’imagination des auteurs anciens ou véhiculées par la tradition.
Le griffon, félin ailé à tête d’oiseau, gardien des tombeaux dans l’Antiquité, apparaît dès le XIe siècle à Saint-Eutrope de Saintes. Les dragons de toutes sortes, serpents ailés ou monstres hybrides cracheurs de flammes, sont souvent combattus par des chevaliers en armure. La créature la plus fréquemment représentée dans la région, où elle a pu se confondre parfois avec la légende locale de la fée Mélusine, est la sirène au corps de femme se terminant en queue de poisson, simple ou bifide. Elle tient parfois en main un miroir ou un poisson, qui accentuent son caractère négatif de séductrice lascive. Son image est exposée au regard des moines de Saint-Eutrope, dans le chœur liturgique, comme pour leur rappeler la crainte que doit leur inspirer le péché de chair. Mais la sirène antique, dotée d’un corps d’oiseau, n’est pas absente des sculptures romanes, même si elle peut se confondre avec la harpie, leurs têtes, parfois couronnées pouvant être masculines ou féminines.
A Aulnay, bien d’autres monstres, tels que le Cyclope, et des animaux plus ou moins imaginaires se côtoient en cortège sur la voussure du portail.
Mais la monstruosité que veulent dénoncer les clercs médiévaux est celle qui se tapit dans l’âme des fidèles. Les corps hybrides sont là pour dénoncer l’animalité vers laquelle tendent les personnes soumises au Péché. Ressembler à un animal est la pire des déviances pour l’Homme que Dieu avait créé à son image. L’âne jouant de la lyre, ou le bouc vêtu d’habits sacerdotaux et parodiant la messe, en sont des images saisissantes. La représentation des démons, silhouettes humaines revêtues des attributs de l’animal – griffes, poils, dents acérées, oreilles pointues, cornes – fréquentes également, en sont une autre variante.
Le griffon, félin ailé à tête d’oiseau, gardien des tombeaux dans l’Antiquité, apparaît dès le XIe siècle à Saint-Eutrope de Saintes. Les dragons de toutes sortes, serpents ailés ou monstres hybrides cracheurs de flammes, sont souvent combattus par des chevaliers en armure. La créature la plus fréquemment représentée dans la région, où elle a pu se confondre parfois avec la légende locale de la fée Mélusine, est la sirène au corps de femme se terminant en queue de poisson, simple ou bifide. Elle tient parfois en main un miroir ou un poisson, qui accentuent son caractère négatif de séductrice lascive. Son image est exposée au regard des moines de Saint-Eutrope, dans le chœur liturgique, comme pour leur rappeler la crainte que doit leur inspirer le péché de chair. Mais la sirène antique, dotée d’un corps d’oiseau, n’est pas absente des sculptures romanes, même si elle peut se confondre avec la harpie, leurs têtes, parfois couronnées pouvant être masculines ou féminines.
A Aulnay, bien d’autres monstres, tels que le Cyclope, et des animaux plus ou moins imaginaires se côtoient en cortège sur la voussure du portail.
Mais la monstruosité que veulent dénoncer les clercs médiévaux est celle qui se tapit dans l’âme des fidèles. Les corps hybrides sont là pour dénoncer l’animalité vers laquelle tendent les personnes soumises au Péché. Ressembler à un animal est la pire des déviances pour l’Homme que Dieu avait créé à son image. L’âne jouant de la lyre, ou le bouc vêtu d’habits sacerdotaux et parodiant la messe, en sont des images saisissantes. La représentation des démons, silhouettes humaines revêtues des attributs de l’animal – griffes, poils, dents acérées, oreilles pointues, cornes – fréquentes également, en sont une autre variante.
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Le monde végétal
La végétation est un des sujets les plus présents dans la sculpture romane d’Aquitaine et cela est particulièrement vrai en Charente-Maritime. La flore romane est rarement naturaliste et il serait vain de chercher à identifier une espèce particulière.
Si parmi les premiers chapiteaux, certains dérivent lointainement des formules corinthiennes, avec de grandes feuilles lisses s’enroulant en volutes sur les angles, on retrouve parfois, dès la fin du XIe siècle, de véritables imitations de chapiteaux corinthiens antiques, avec leurs feuilles d’acanthes finement ciselées, comme c’est le cas à Thézac. Mais dans la majorité des cas, cette référence à l’Antique est marquée par le sens de la création et de l’invention des sculpteurs romans, qui stylisent et transforment ses feuillages à l’infini.
A Saint-Eutrope de Saintes, les sculpteurs de la crypte ont utilisé tout un répertoire végétal emprunté aux frises des temples romains, en les déformant pour les adapter au volume des chapiteaux, selon un schéma extrêmement rigoureux et symétrique. Mais à la croisée du transept, une nouvelle formule s’installe, dérivant des enchevêtrements végétaux qui se dessinent dans les lettrines des manuscrits enluminés.
Figures humaines et animales apparaissent dans un environnement de rinceaux aux tiges ondoyantes qui envahissent les fonds en multipliant les petites palmettes ou demi-palmettes plus ou moins épanouies. C’est là le principal motif végétal de la sculpture romane dans les pays charentais, qui s’impose partout comme une représentation du monde terrestre, qui parfois enchaîne et asservit l’Homme. C’est là le sens de certaines images où des personnages avalent des tiges de rinceaux, un autre motif apparu à Saint-Eutrope, ou de ceux qui semblent essayer de s’en échapper en grimpant le long de volutes végétales de part et d’autre de la fenêtre du chevet d’Aulnay. La végétalisation des figures humaines est une des formes de représentation du Péché originel, qui lie l’Homme au monde terrestre et l’empêche de s’élever vers Dieu.
Si parmi les premiers chapiteaux, certains dérivent lointainement des formules corinthiennes, avec de grandes feuilles lisses s’enroulant en volutes sur les angles, on retrouve parfois, dès la fin du XIe siècle, de véritables imitations de chapiteaux corinthiens antiques, avec leurs feuilles d’acanthes finement ciselées, comme c’est le cas à Thézac. Mais dans la majorité des cas, cette référence à l’Antique est marquée par le sens de la création et de l’invention des sculpteurs romans, qui stylisent et transforment ses feuillages à l’infini.
A Saint-Eutrope de Saintes, les sculpteurs de la crypte ont utilisé tout un répertoire végétal emprunté aux frises des temples romains, en les déformant pour les adapter au volume des chapiteaux, selon un schéma extrêmement rigoureux et symétrique. Mais à la croisée du transept, une nouvelle formule s’installe, dérivant des enchevêtrements végétaux qui se dessinent dans les lettrines des manuscrits enluminés.
Figures humaines et animales apparaissent dans un environnement de rinceaux aux tiges ondoyantes qui envahissent les fonds en multipliant les petites palmettes ou demi-palmettes plus ou moins épanouies. C’est là le principal motif végétal de la sculpture romane dans les pays charentais, qui s’impose partout comme une représentation du monde terrestre, qui parfois enchaîne et asservit l’Homme. C’est là le sens de certaines images où des personnages avalent des tiges de rinceaux, un autre motif apparu à Saint-Eutrope, ou de ceux qui semblent essayer de s’en échapper en grimpant le long de volutes végétales de part et d’autre de la fenêtre du chevet d’Aulnay. La végétalisation des figures humaines est une des formes de représentation du Péché originel, qui lie l’Homme au monde terrestre et l’empêche de s’élever vers Dieu.
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Regarder une église romane
Malgré la très grande richesse du patrimoine roman, bon nombre de ces églises romanes, édifiées il y a plus de 800 ans, n’ont pas traversé les siècles sans encombre.
Pour le visiteur d’aujourd’hui elles offrent souvent une image complexe. Certains monuments ne conservent parfois de leurs origines romanes que quelques éléments architecturaux, tandis que d’autres ont purement et simplement disparus, remplacés par des constructions postérieures.
La guerre de Cent Ans, les guerres de Religions, particulièrement violentes en Saintonge et prolongées par les ravages du siège de La Rochelle, mais aussi les accidents, les incendies ou le manque de moyens pour entretenir les édifices ont fortement modifié le paysage architectural qui s’est constitué aux XIe et XIIe siècles.
De multiples mutilations et transformations nous obligent à faire le tri entre ce qui est véritablement roman, et ce qui résulte de remaniements, d’adjonctions gothiques ou modernes ou de restaurations parfois trompeuses, réalisées au XIXe siècle. Les grandes églises des monastères, sécularisées à la Révolution ont le plus souffert, et certaines sont en partie ruinées, comme c’est le cas à Trizay ou à Saint-Eutrope de Saintes.
Certaines parties, plus importantes pour le clergé, comme les chevets, ont fait l’objet de transformations liées à des volontés de réaménagement liturgique à l’époque gothique.
D’autres, particulièrement vulnérables, comme les clochers, ont subi des destructions massives. Il ne reste plus en Charente-Maritime qu’une poignée de clochers romans ayant conservé leur intégrité. Celui de l’Abbaye-aux-Dames en est le plus remarquable.
Pour le visiteur d’aujourd’hui elles offrent souvent une image complexe. Certains monuments ne conservent parfois de leurs origines romanes que quelques éléments architecturaux, tandis que d’autres ont purement et simplement disparus, remplacés par des constructions postérieures.
La guerre de Cent Ans, les guerres de Religions, particulièrement violentes en Saintonge et prolongées par les ravages du siège de La Rochelle, mais aussi les accidents, les incendies ou le manque de moyens pour entretenir les édifices ont fortement modifié le paysage architectural qui s’est constitué aux XIe et XIIe siècles.
De multiples mutilations et transformations nous obligent à faire le tri entre ce qui est véritablement roman, et ce qui résulte de remaniements, d’adjonctions gothiques ou modernes ou de restaurations parfois trompeuses, réalisées au XIXe siècle. Les grandes églises des monastères, sécularisées à la Révolution ont le plus souffert, et certaines sont en partie ruinées, comme c’est le cas à Trizay ou à Saint-Eutrope de Saintes.
Certaines parties, plus importantes pour le clergé, comme les chevets, ont fait l’objet de transformations liées à des volontés de réaménagement liturgique à l’époque gothique.
D’autres, particulièrement vulnérables, comme les clochers, ont subi des destructions massives. Il ne reste plus en Charente-Maritime qu’une poignée de clochers romans ayant conservé leur intégrité. Celui de l’Abbaye-aux-Dames en est le plus remarquable.
Géolocalisation
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Fonctions et usages
Les caractéristiques matérielles des églises romanes doivent toujours être appréciées à travers les fonctions qui les justifiaient. Le chevet prend pendant la période romane une importance extrême, parce qu’il concentre l’essentiel des fonctions liturgiques et qu’il abrite en partie ou intégralement ce que l’on appelle couramment le chœur ou le sanctuaire, c’est-à-dire l’espace réservé au clergé et aux rites sacrés.
Ainsi est-il nécessaire de connaître le statut de l’église : une cathédrale est l’église de l’évêque et de la communauté de chanoines qui l’entoure, une abbatiale ou une prieurale sont des églises abritant une communauté plus ou moins importante de moines (ou de moniales) et parfois de chanoines. Une paroissiale est simplement desservie par un prêtre pour les habitants d’un village. Cela suppose aussi une compréhension de l’élément principal de cet espace, qui est l’autel majeur. Aujourd’hui, pratiquement tous les autels se trouvent plus près de la nef qu’ils ne l’étaient au Moyen Âge. Il ne faut pas oublier non plus qu’à l’époque, le prêtre tournait le dos aux fidèles et qu’il se tenait devant et non pas derrière l’autel. Il faut donc tenir compte aussi des évolutions de la liturgie et des pratiques cultuelles dans les églises au cours des siècles.
Au Moyen Âge, dans les églises abritant des communautés religieuses, le chœur pouvait être très vaste, et occuper aussi une partie de la nef, les stalles des religieux étant disposées parallèlement à l’axe de l’édifice. Une clôture plus ou moins élevée, le jubé, le séparait en général de l’espace des fidèles parfois cantonnés aux premières travées de la nef. Les chapelles du transept ou du déambulatoire accueillaient des autels secondaires dans les églises importantes, et même dans les petits édifices paroissiaux, des autels pouvaient être disposés à l’extrémité orientale de la nef, de part et d’autre de l’accès au sanctuaire.
Ainsi est-il nécessaire de connaître le statut de l’église : une cathédrale est l’église de l’évêque et de la communauté de chanoines qui l’entoure, une abbatiale ou une prieurale sont des églises abritant une communauté plus ou moins importante de moines (ou de moniales) et parfois de chanoines. Une paroissiale est simplement desservie par un prêtre pour les habitants d’un village. Cela suppose aussi une compréhension de l’élément principal de cet espace, qui est l’autel majeur. Aujourd’hui, pratiquement tous les autels se trouvent plus près de la nef qu’ils ne l’étaient au Moyen Âge. Il ne faut pas oublier non plus qu’à l’époque, le prêtre tournait le dos aux fidèles et qu’il se tenait devant et non pas derrière l’autel. Il faut donc tenir compte aussi des évolutions de la liturgie et des pratiques cultuelles dans les églises au cours des siècles.
Au Moyen Âge, dans les églises abritant des communautés religieuses, le chœur pouvait être très vaste, et occuper aussi une partie de la nef, les stalles des religieux étant disposées parallèlement à l’axe de l’édifice. Une clôture plus ou moins élevée, le jubé, le séparait en général de l’espace des fidèles parfois cantonnés aux premières travées de la nef. Les chapelles du transept ou du déambulatoire accueillaient des autels secondaires dans les églises importantes, et même dans les petits édifices paroissiaux, des autels pouvaient être disposés à l’extrémité orientale de la nef, de part et d’autre de l’accès au sanctuaire.
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Transformations romanes
Regarder une église romane, c’est d’abord envisager qu’elle ne soit pas le fruit d’une seule campagne, mais de plusieurs phases de travaux ou de remaniements successifs pendant la période romane, et ce malgré l’apparente homogénéité de l’ensemble.
A Aulnay, qui semble une église romane « parfaite », pas moins de trois ateliers de sculpteurs sont intervenus successivement d’est en ouest, avec des styles et des personnalités d’artistes très différents, tandis que le clocher n’a été terminé qu’à l’époque gothique.
L’église de l’Abbaye aux Dames a connu plusieurs remaniements successifs entre 1050 et 1200, en bénéficiant ainsi de toutes les nouveautés de l’évolution du style roman. A Saint-Eutrope de Saintes, la sculpture de la crypte et des parties orientales de l’église hautes sont très différentes de celles de la croisée du transept, ce qui montre un changement d’équipe, et sans doute de projet, en, cours de chantier.
Les cas de figure les plus marquants sont ceux où l’on a conservé les murs d’une nef primitive du XIe siècle, en moellons, parfois renforcés pour être voûtés au XIIe siècle, comme à Fenioux. Dans certains cas, on s’est contenté de reconstruire le chevet au XIIe siècle, créant un contraste net, comme à Monthérault ou à Taillant, par exemple. Parfois, les ruptures sont plus difficiles à saisir, entre deux campagnes assez rapprochées qui ont pu donner lieu à des changements dans le projet.
A Aulnay, qui semble une église romane « parfaite », pas moins de trois ateliers de sculpteurs sont intervenus successivement d’est en ouest, avec des styles et des personnalités d’artistes très différents, tandis que le clocher n’a été terminé qu’à l’époque gothique.
L’église de l’Abbaye aux Dames a connu plusieurs remaniements successifs entre 1050 et 1200, en bénéficiant ainsi de toutes les nouveautés de l’évolution du style roman. A Saint-Eutrope de Saintes, la sculpture de la crypte et des parties orientales de l’église hautes sont très différentes de celles de la croisée du transept, ce qui montre un changement d’équipe, et sans doute de projet, en, cours de chantier.
Les cas de figure les plus marquants sont ceux où l’on a conservé les murs d’une nef primitive du XIe siècle, en moellons, parfois renforcés pour être voûtés au XIIe siècle, comme à Fenioux. Dans certains cas, on s’est contenté de reconstruire le chevet au XIIe siècle, créant un contraste net, comme à Monthérault ou à Taillant, par exemple. Parfois, les ruptures sont plus difficiles à saisir, entre deux campagnes assez rapprochées qui ont pu donner lieu à des changements dans le projet.
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Transformations gothiques
Plus aisées à identifier sont les nombreuses transformations apportées aux églises entre le XIIIe et le XVIe siècle. Leur style se distingue en général très nettement de celui des parties romanes par l’utilisation de la croisée d’ogive et un système de décor et de mouluration très différent de celui de l’époque romane, sans véritable souci d’intégration. Beaucoup d’édifices ont été remaniés, parfois dès le XIIIe siècle, pour être mis au goût du jour, comme par exemple à Saint-Hérie de Matha, dont le chevet à pans coupés gothique, avec ses fenêtres à remplages, prolonge une nef romane.
Parfois, ces travaux sont dus aux dégâts causés par des accidents, généralement des incendies ou des effondrements de voûtes. Mais on sait aussi que certaines églises étaient dans un état de délabrement à l’issue de la guerre de Cent Ans. Elles furent donc rénovées ou réadaptées à des besoins nouveaux, par l’adjonction de chapelles latérales ou, plus généralement, par le réaménagement ou la reconstruction pure et simple du chevet.
De nombreuses nefs romanes se terminent ainsi par des chevets gothiques, le plus souvent rectangulaires, comme à Pérignac ou à Meursac. Dans la plupart des cas ce sont les nefs de l’époque romanes qui sont conservées, mais parfois, elles ont été élargies et doublées de collatéraux au XVe ou au XVIe siècle pour s’adapter à la croissance démographique à l’issue de la guerre de Cent Ans. De ce fait, leur façade elle-même peut être doublée par une façade gothique ou de la première Renaissance, comme à Consac ou à Fontaine-d’Ozillac, par exemple. Certains clochers ont également été remaniés ou reconstruits à l’issue de la guerre de Cent Ans, tandis qu’un grand nombre d’églises ont été fortifiées lors de ce conflit.
Parfois, ces travaux sont dus aux dégâts causés par des accidents, généralement des incendies ou des effondrements de voûtes. Mais on sait aussi que certaines églises étaient dans un état de délabrement à l’issue de la guerre de Cent Ans. Elles furent donc rénovées ou réadaptées à des besoins nouveaux, par l’adjonction de chapelles latérales ou, plus généralement, par le réaménagement ou la reconstruction pure et simple du chevet.
De nombreuses nefs romanes se terminent ainsi par des chevets gothiques, le plus souvent rectangulaires, comme à Pérignac ou à Meursac. Dans la plupart des cas ce sont les nefs de l’époque romanes qui sont conservées, mais parfois, elles ont été élargies et doublées de collatéraux au XVe ou au XVIe siècle pour s’adapter à la croissance démographique à l’issue de la guerre de Cent Ans. De ce fait, leur façade elle-même peut être doublée par une façade gothique ou de la première Renaissance, comme à Consac ou à Fontaine-d’Ozillac, par exemple. Certains clochers ont également été remaniés ou reconstruits à l’issue de la guerre de Cent Ans, tandis qu’un grand nombre d’églises ont été fortifiées lors de ce conflit.
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Transformations modernes et restaurations
La principale période de destruction massive d’églises médiévales fut celle des guerres de Religions du XVIe siècle, suivies au siècle suivant par le siège de La Rochelle qui ravagea l’Aunis. De nombreuses réparations ou reconstructions, souvent sommaires et généralement assez visibles, ont fait suite à ces crises. La prise de conscience patrimoniale issue de la Révolution Française se traduisit en 1840 par la publication de la première liste de classement de Monuments Historiques.
En Charente-Inférieure, la liste comprenait plusieurs églises romanes, dont Saint-Eutrope, l’église de l’Abbaye aux Dames ou encore Fenioux. Avec l’accélération de ce processus, le mouvement de restauration des Monuments Historiques prit de l’ampleur, et la doctrine française de restauration fut élaborée par Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc et les architectes diocésains tels que Paul Abadie ou Juste Lisch, relayés à partir du début du XXe par les architectes des Monuments Historiques.
Beaucoup d’églises, parfois laissées sans entretien depuis des siècles, nécessitaient des interventions lourdes. Certaines peuvent même être jugées excessives aujourd’hui lorsqu’elles ont conduit à de véritables réinventions qui peuvent nous tromper. Ainsi, à Surgères, Juste Lisch a-t-il fait effacer une grande fenêtre gothique percée au XVe siècle au centre de la façade pour la remplacer par une baie imitant les formes romanes. De même, il fit restituer une partie des modillons, en particulier tous ceux de la corniche supérieure. L’église de l’Abbaye aux Dames, fortement endommagée au XIXe siècle lorsqu’elle a servi de caserne, dut être restaurée dans les années 1920-1930, et on ne peut la comprendre aujourd’hui qu’en tenant compte des nombreuses parties touchées par ces restaurations, qui se confondent parfois avec des éléments authentiques. C’est grâce aux archives de ces travaux, généralement bien documentés, qu’il faut aujourd’hui reprendre l’histoire de ces monuments parvenus jusqu’à nous malgré les ravages du temps.
En Charente-Inférieure, la liste comprenait plusieurs églises romanes, dont Saint-Eutrope, l’église de l’Abbaye aux Dames ou encore Fenioux. Avec l’accélération de ce processus, le mouvement de restauration des Monuments Historiques prit de l’ampleur, et la doctrine française de restauration fut élaborée par Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc et les architectes diocésains tels que Paul Abadie ou Juste Lisch, relayés à partir du début du XXe par les architectes des Monuments Historiques.
Beaucoup d’églises, parfois laissées sans entretien depuis des siècles, nécessitaient des interventions lourdes. Certaines peuvent même être jugées excessives aujourd’hui lorsqu’elles ont conduit à de véritables réinventions qui peuvent nous tromper. Ainsi, à Surgères, Juste Lisch a-t-il fait effacer une grande fenêtre gothique percée au XVe siècle au centre de la façade pour la remplacer par une baie imitant les formes romanes. De même, il fit restituer une partie des modillons, en particulier tous ceux de la corniche supérieure. L’église de l’Abbaye aux Dames, fortement endommagée au XIXe siècle lorsqu’elle a servi de caserne, dut être restaurée dans les années 1920-1930, et on ne peut la comprendre aujourd’hui qu’en tenant compte des nombreuses parties touchées par ces restaurations, qui se confondent parfois avec des éléments authentiques. C’est grâce aux archives de ces travaux, généralement bien documentés, qu’il faut aujourd’hui reprendre l’histoire de ces monuments parvenus jusqu’à nous malgré les ravages du temps.
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Conservation du patrimoine
Interview de Pierre Cazenave - Ex Conservateur Régional des Monuments Historiques de la Région Poitou-Charentes

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l’art roman à ciel ouvert